L’exercice est difficile, mais il faut bien s’y coller. Car « L’organisation criminelle de la faim » fait partie de ces ouvrages incritiquables pour 95% de leur contenu mais qui surfent sur des syllogismes et des conclusions pour le moins à l’emporte-pièce et dangereuses.
Passons donc sur le cœur de l’ouvrage qui aurait pu être l’ouvrage lui-même et qui consiste à montrer comment les nazis développaient une vraie recherche sur l’alimentation et la faim avec les déportés comme cobayes et supports de leurs convictions de l’existence d’un ordre biologique supérieur. Que dire en effet de toutes ces pages consacrées à cette économie exterminatrice des camps de la mort, avec moult détails et redondances pour étayer l’horreur de la détermination ? Terrifiantes, parfois insoutenables, au delà de l’imaginable. Le critique convoque généralement à cet endroit Primo Lévi pour expliquer l’inexplicable, mais on va s’en passer, car Olivier Assouly a d’autres prétentions annoncées d’autorité en quatrième de couverture. « Bien que les temps aient changé, d’autres pratiques continuent d’assujettir les populations en prenant en otage le fait alimentaire. Comment, en effet, ne pas s’interroger sur l’industrie agroalimentaire qui favorise une libéralisation croissante aux fins d’une criminelle mise sous tutelle économique du vivant et des denrées planétaires, érigeant ainsi l’appétit en un redoutable instrument politique de domination ? »
Toute la grossièreté du propos tient dans l’adjectif « criminelle » qui apparaît d’ailleurs dans la syntaxe comme ajouté au dernier moment. Car pour Olivier Assouly, il n’y a aucun problème à penser que ce « criminel » là puisse être assimilé à un nazi. Il n’hésite d’ailleurs pas à passer régulièrement d’un système à l’autre sans transition, et ainsi, d’un propos sur les OGM aux camps, il n’y a qu’un passage à la ligne pour être bien sûr que tout est comparable à tout moment sur tous sujets.
Olivier Assouly s’essaye également à la psychanalyse mais surtout à l’économie et là, la performance est exceptionnelle. L’auteur convoque Ricardo et Marx – mais évidemment pas Keynes- pour faire en dix pages une histoire du capitalisme et démontrer ses accointances systémiques avec le régime du IIIème Reich. Aucun homme politique de l’extrême gauche la plus radicale ne se livrerait à une telle démonstration totalement contre productive et aboutissant nécessairement à l’annihilation de toute possibilité de débats.
Dans les sujets qui nous préoccupent, puissions-nous suggérer à Olivier Assouly que la technique du « plus c’est gros, plus ça passe » n’a pas sa place. Et si l’on veut bien lui accorder une fougue débordante de militants, ce ne peut être au prix de tels raccourcis intellectuels qui desservent considérablement son propos.
L’organisation criminelle de la faim
Auteur : Olivier Assouly
Editions Actes Sud / Sciences Humaines
Date de parution : octobre 2013
Nombre de page : 208 pages
Format : 115 x 217 mm
Prix indicatif : 20€ / livre existant en version numérique
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Olivier Assouly sera présent au Salon International du Livre Gourmand de Périgueux du 21 au 23 novembre 2014.
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