Culture food La viande est-elle encore à la mode?

Les Rencontres Rabelais élargissent les débats

23.11.17

« On apprêta le souper, et de surcroît furent rôtir seize bœufs, trois génisses, trente et deux veaux, soixante et trois chevreaux, quatre vingt quinze moutons, onze vingt perdrix, sept cent bécasses, quatre cent chapons, six mille poulets et autant de pigeons, six cent gelinottes, quatorze cent levreaux …. » Et le repas de Gargantua ne fait que commencer. Si on se fie aux discussions  des Rencontres Rabelais (à Tours, le 17 et 18 novembre derniers), il n’est vraiment pas certain que Gargantua pourrait trouver aujourd’hui un compagnon pour partager ce repas.

La viande (les viandes !) sont passées de mode et c’est désormais la naturalité et la durabilité qui sont à l’ordre du jour. C’était d’ailleurs le sujet principal des Rencontres Rabelais de cette année défini comme « Cuisine et développement durable, mariage heureux ?». La phrase couronnée d’un point d’interrogation. Un très gros point d’interrogation, il y a effectivement beaucoup de questions à se poser sur la vie de ce couple.

« Le sujet des Rencontres Rabelais est effectivement bien différent cette année des années précédentes où la cuisine était au centre, confirme le coordinateur de l’événement, Kilien STENGEL. – Par les années passées on a surtout développé les débats autour de la cuisine et de la dimension culturelle et identitaire, mais cette année on a débordé sur la dimension agricole ce qui n’était pas dans nos habitudes. La demande est forte de la part des prescripteurs institutionnels, des acteurs politiques et des différents partenaires d’IEHCA (Institut Européen d’histoire et des cultures de l’alimentation) qui organise les rencontres. Et les États généraux de l’alimentation tournent beaucoup autour du sujet de la cuisine durable, de l’économie, de la globalisation et des besoins sociétaux ».

Les chefs réunis autour de la première table ronde, dont Michel Troisgros, parrain de l’événement, et François Pasteau du restaurant parisien L’Épi Dupin, ont affirmé par leurs propres exemples le plein bonheur de cette alliance conjugale affichée dans le titre. Grâce à eux et à tant d’autres, la cuisine pauvre, celle du non gaspillage et du respect du produit, a fait son entrée triomphante même dans les établissements étoilés. A Tours, il a beaucoup été question de végétaux, du bio ou encore du véganisme.

Le fermier et l’industriel

Le ton est monté lors de la deuxième table ronde quand Christian Pees, président du groupe Euralis, s’est retrouvé face à Maxime de Rostolan, coordinateur du projet “Fermes d’avenir”. Le sujet de leur rencontre: permaculture ou agroécologie, sont-elles de bonnes pistes pour un développement durable agricole ? On dirait que le modérateur, Gilles Fumey, professeur à Paris-Sorbonne, a laissé exprès les intervenants se jeter dans l’éternelle querelle entre  « le fermier » et « l’industriel ». En tout cas, le public a vivement réagi, les débats n’existent-ils pas pour cela ?

Les vaches de Gargantua ont de nouveau fait leur apparition lors des ateliers, du moins sur l’écran. Notamment sur celui consacré au fromage de l’Abondance avec ses valeurs environnementales et sa recette et sur celui du Berthoud qui pour la première fois de l’histoire de l’INAO est en bonne voie pour obtenir son classement comme Spécialité Traditionnelle Garantie. Les bovidés et autres ruminants ont aussi fait objets de débats lors de la deuxième journée des Rencontres avec notamment une table ronde appelée « Viande : évitons les préjugés ! » (avec un point d’exclamation cette fois). Les acteurs des filières animales ont assuré eux aussi, travailler dans une démarche de production durable. Tout comme les pécheurs et les vignerons, représentants des deux filières qui souffrent particulièrement des problèmes environnementaux.

Finalement, l’espoir est là, ce n’est pas un hasard si la salle des Rencontres à l’université François Rabelais, se nomme Thélème, comme la célèbre utopie, temple de l’éducation dans les aventures de Gargantua. D’ailleurs, les étudiants des écoles hôtelières, et, parait-il, pas seulement celles de France, sont venus écouter en masse. En 2018,  le thème des Rencontres sera « La cuisine d’Europe ». « Les cuisines d’Europe » ? « La cuisine européenne » ? Toujours des points d’interrogation. Et tant mieux.

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