Il y a les cépages oubliés que certains essayent de faire revivre avec l’aide d’institutions comme L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et puis il y a les cépages comme le Viognier, qui ont bien failli passer à la trappe. Belle histoire, évidemment documentée au plus haut niveau, que la BNF nous fait partager.
Quand, en 1901, dans le tome II de leur Ampélographie, Pierre Viala et Victor Vermorel décrivent le viognier, ce cépage vient de subir les ravages du phylloxéra. Un demi-siècle plus tard, il ne s’étend plus que sur quelques hectares, concurrencé par les cultures maraîchères et désavantagé par des coûts de production élevés. Sur le point de disparaître, il faudra la persévérance de quelques vignerons pour, non seulement le faire revivre, mais aussi le diffuser en Europe et jusqu’en Amérique du Nord ou en Australie. Cette renaissance est d’autant plus remarquable que ce cépage est attaché à un vignoble de qualité, que le médecin Guy Patin tenait, au XVIIe siècle, comme l’un des meilleurs de France.

Le viognier, ou vionnier, est attaché à un terroir : la Côte Rôtie. Au sud-ouest de Vienne, sur la rive droite du Rhône, pousse un des plus anciens vignobles de France, que l’on fait remonter au peuple gaulois des Allobroges. La syrah y donne un vin rouge. À Condrieu et à Château-Grillet, est produit un vin blanc monocépage à partir du viognier, sur des sols très pauvres issus de la décomposition du granit, tandis que la syrah vient sur des sols plus argileux et caillouteux provenant de schistes. Les vignes sont plantées sur l’adret au pied du mont Pilat, sur des pentes prononcées qui ont nécessité de gros travaux. À flanc de coteau, des terrasses étroites (les « cheys ») ont été délimitées à l’aide de murets (les « chaillets »).


Les pieds étaient placés dans des fosses profondes et étayés par des échalas disposés en forme de pyramide pour résister aux vents violents de la vallée du Rhône. Plant rustique, le viognier produit peu à l’hectare. Deux variétés en ont été distinguées : le viognier jaune et le viognier vert.
Les grappes sont de taille moyenne, formées de grains moyens, d’un jaune doré à maturité, et à chair juteuse, très sucrée. Le raisin est cueilli très mûr et donne un vin liquoreux qui devient sec avec l’âge. L’extension du vignoble a varié au cours du temps, en relation avec sa commercialisation. Sous l’Ancien Régime, son vin est recherché et se vend à des prix élevés dans la capitale. En effet, il doit supporter de gros coûts de transport, par charrois à bœufs à travers le massif du Pilat puis sur la Loire. Sa circulation est facilitée quand Turgot lève, en 1776, les entraves à la circulation du vin en France. L’encépagement se développe au siècle suivant mais l’arrivée du phylloxéra vient tout remettre en cause. Replanté sur pieds américains avec une conduite plus simple et une taille en gobelet, le vignoble ne peut se mécaniser, les travaux se réalisant encore à main d’homme. Les encépagements régressent même si la réputation du vignoble subsiste, qui permet le classement de Condrieu en AOC le 27 avril 1940. Château-Grillet, composé d’un seul domaine, obtient le même statut. C’est en mettant en avant sa qualité que ses vignerons parviendront à le faire revivre dans la seconde moitié du XXe siècle. Un terroir et un cépage particuliers ont ainsi pu traverser les siècles.
Luc Menapace*, chargé de collections en sciences biologiques et paléontologie à la Bibliothèque nationale de France
Pour aller plus loin
– Rolande Gadille, « L’héritage d’une viticulture antique, vignes et vins de Côte-Rôtie et Condrieu », dans Revue de géographie de Lyon, 53, 1, p. 7-22.
– Le traité d’ampélographie de Viala et Vermorel.
– Sélections « Vigne et vin ». En ligne sur Gallica.
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