Culture food À lire (ou pas)
« Corps, alimentation et réseaux sociaux », un ouvrage bien maigre
Le livre que vient de publier l’universitaire Clémentine Hugol-Gential a l’avantage certain, avec ses 84 pages en petit format, de pouvoir être lu rapidement. Le revers du chronomètre est que, passés les divers angles descriptifs, il nous manque toute une deuxième partie d’analyses qui permettraient au lecteur de rentrer en profondeur dans un sujet d’une évidente actualité.
![DALL·E 2024-11-29 10.13.41 - An artistic horizontal illustration depicting the intersection of body image, societal expectations, and social media. The image features two figures,](https://alimentation-generale.fr/wp-content/themes/almentationgenerale/assets/images/blank.gif)
On peut lire à la page 73, qu’après enquêtes dans des collèges, « à première vue, les types de contenu les plus suivis par les jeunes – sur les réseaux sociaux – sont le divertissement (79%), le sport (36,6%), l’alimentation (34,6%) et la beauté (31,8%), ce qui reflète un fort intérêt pour l’apparence physique. » Dans un ouvrage censé être produit avec une certaine rigueur de chercheur, on s’attendrait à ne pas frôler la tautologie et à se fonder sur des statistiques rigoureuses dépassant ce que tout parent peut constater avec ses ados ou pré-ados.
« Corps, alimentation et réseaux sociaux » reste malheureusement un ouvrage descriptif qui aligne toutes sortes de constats mille fois lus à longueur d’articles à longueur d’année, depuis l’apparition de Mark Zuckerberg et Elon Musk dans notre paysage médiatique.
Et au moins trois outils d’analyse manquent à l’appel. Le premier est la mise en perspective de l’usage des réseaux sociaux par la « Génération Z », les 8 millions de jeunes entre 15 et 24 ans. Car cet usage s’inscrit bien entendu dans un ensemble plus vaste de l’utilisation des media, dont le peu contestable Institut Médiamétrie a livré récemment un excellent descriptif (ICI).
Les deux autres analyses manquantes sont encore plus sérieuses au regard de la prétention de l’ouvrage de vouloir nous faire comprendre un phénomène plutôt que de le décrire, fusse en détail. Et ces deux analyses portent sur l’offre et la demande. Car, ce qui meut les réseaux et assure leur développement exponentiel, c’est avant tout un modèle économique.
Du côté de l’offre, la gestion ultra performante des algorithmes qui permet quasi en temps réel d’adapter et d’individualiser les propositions. Il y a vingt ans encore, les écoles de commerce en rêvaient, les réseaux sociaux l’ont fait, avec des techniques qui mériteraient attention et décodage pour les citoyens. Le couplage d’une économie réelle avec une e-communication est désormais le modèle indépassable des GAFAM et qui assure leur hégémonie sur le commerce mondial, y compris le commerce du corps.
Et puis du côté de la demande, on manque cruellement de références dans le champ de la neurologie, pour expliquer les phénomènes d’addiction sans lesquels rien de ce qui est décrit dans cet ouvrage ne pourrait avoir lieu. On peut notamment citer le très bon article de Jean-Philippe Lachaux, Directeur de recherche au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, dans l’équipe Dynamique cérébrale et cognition ICI.
Les éditions « le murmure » n’ont pas vraiment assis leur réputation sur la publication d’ouvrages de chercheurs. On y trouve dans la même collection que « Corps, alimentation et réseaux sociaux », des titres comme « Nymphoplastie », « Les Rats de Paris » ou « Boudhisme & Rock » ou encore « Esthétique de l’éjaculation » et on se demande bien ce qu’une enseignante à l’Université de Bourgogne est allé faire en pareille compagnie.
« Corps, alimentation et réseaux sociaux » Éditions le murmure / 10€
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