Leurs kalachnikovs ont eu raison de leurs stylos. Leurs balles ont voulu faire taire Charlie Hebdo. Contre cette ignominie, à nous de prendre la parole. A nous d’opposer à la terreur et à la tentation de l’instrumentalisation, la force de nos convictions. Plus que jamais, à nous de réaffirmer que face à un tel attentat politique, il nous faut réhabiliter la Politique : celle défendue à bout de plumes par les libertaires que resteront toujours Wolinski, Cabu, Maris, Tignous et Charb. Leurs textes et leurs dessins étaient nos voix. Ils disaient avec précision ce que l’hystérie collective empêche trop souvent de formuler. Leurs textes et leurs dessins étaient nos respirations. Ils permettaient de rire de tout, parfois grassement, souvent avec gène, mais toujours avec fond. Leurs textes et leurs dessins étaient nos intuitions. Les chroniques de l’Oncle Bernard qui, dès 2008 et la crise étasunienne des subprimes, expliquaient avec précision – et cet humour pince sans-rire si particulier – les ravages d’une économie ultralibérale récemment nobélisée. Le rendez-vous Charb n’aime pas les gens, avec ses personnages si percutants et attachants, qui anticipait nos questionnements.
Percutant et attachant, sans conteste, Stéphane Charbonnier l’était. Eternelle dégaine d’adolescent immuablement enveloppée d’une marinière bleutée et d’un pantalon de randonnée, Charb était présent à ceux qui l’entouraient. Son regard d’enfant exagérément grossi par des lunettes à double ou triple foyer se posait sur vous et, d’un coup, vous faisiez immédiatement parti de son univers où la tolérance n’avait de sens que dans la dénonciation des cons de tous horizons. Il parlait peu mais disait juste. Il dessinait vite et visait juste. En septembre encore, dans l’immense salon du livre de la Fête de l’Humanité, il arrivait toujours à rire de tout avec son pote l’urgentiste Patrick Pelloux. Malgré la discrète présence de sa garde rapprochée et le spectre d’une menace qui s’est aujourd’hui transformée en tragédie nationale. Tout en provoquant émerveillement et grincement de dents chez ceux, venus le voir, qui parfois le considéraient comme une star.
Charb, Wolinski, Cabu, Maris et Tignous étaient tout sauf des stars. Ils faisaient partie de ces citoyens engagés, de ces communs, de ces lambdas écartés des postes de décisions qui font aujourd’hui et feront, plus encore demain, partie de cette France se battant toujours pour une société où l’on peut, où l’on doit s’exprimer pour défendre ses convictions. Quand ces dernières, bien évidemment, ont pour dessein (dessin ?!) de servir l’intérêt commun et non pas cette part sombre arcboutée de quelques minorités en panne de repères et d’espérance.
Charb préférait « mourir debout plutôt que vivre à genoux ». Lui et les copains de Charlie sont morts d’avoir défendu jusqu’au bout cette nécessaire indignation. « Où est Charlie ? » répètent innocemment les enfants jouant à chercher le célèbre petit bonhomme à la marinière rouge fondu dans le décor. Charlie est ici, partout, en nous, en vous. Plus que jamais, en ce 7 janvier 2015, nous lui promettons de maintenir encore et toujours la flamme de la vigilance et de l’action.
Pierre-Yves, qui se souviendra longtemps de ces discussions et de ces poilades autour d’une paëlla à Toulouse, d’un verre à Saint-Maur-des-Fossés et d’une bonne suée à La Courneuve (bien sûr, également une pensée chaleureuse pour sa garde rapproché qui est morte d’avoir protégée un des piliers de notre République : la liberté d’expression).
Image page d’accueil : Olivier Darné, Parti poétique
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