Chronique Cuisine collective
Bien manger, la preuve par le hachis parmentier
Quels que soient les âges, bien manger s’apprend. Au relais prévention santé de Vannes, habitants, travailleurs sociaux et diététiciens se réunissent autour de l’atelier « Les pieds dans l’plat ». Un rendez-vous pédagogique et convivial où les enjeux d’équilibre alimentaire et d’hygiène de vie sont abordés sans culpabilité ni interdits.
En ce matin de février, le gris du ciel noircit le bleu nuit des ardoises. Derrière les toits pentus de ces pavillons de seconde couronne, se dessinent les mats d’un pont marin. Le centre-ville n’est pas loin. Pourtant, le décor présent ressemble plus aux quartiers populaires de Saint-Nazaire qu’à ceux de Vannes la bourgeoise. Habillée d’un blanc légèrement décrépi, l’ancienne école de lotissement abrite aujourd’hui des locaux associatifs. Parmi eux, la Banque alimentaire et le relais prévention santé. La tête emmitouflée, on s’y engouffre à peine réchauffé. La porte juste franchie qu’on laisse glisser écharpe et cuir rembourré. Parmi les murs du hall d’entrée mouchetés d’un bleu océan, une carte vous accueille. Piquées de pions en ses larges Afrique du Nord et Noire, en son Caucase étriqué et en son Asie éloignée, le planisphère s’accompagne… de recettes culinaires. « L’occasion pour nous de réviser notre géographie, rigole Roselyne Jullien, chargée de projet au relais. L’occasion également pour les habitants de nous faire découvrir leurs régions d’origine. »
Cette rencontre d’un jour ou de toujours passe notamment par le pain. Cet aliment que l’on rompt, que l’on connaît ou non, se décline à la mode turque, malgache, philippine. « En Thaïlande, on le remplace par le riz, dit encore Roselyne Jullien. En Mongolie, on lui préfère les buuz, ces spécialités culinaires mongoles, des raviolis à la viande de mouton ou de bœuf, transformés en boulettes cuites à la vapeur et qui se mangent à la main. Le buuz existe aussi dans une version frite, des sortes de beignets que l’on appelle khuushuur.» En cette heure pas encore avancée de la journée, on ne serait pas contre une petite tartine fraîche et croquante sucrée au miel que, déjà, il nous faut sortir calepin et stylo. Au relais prévention santé de Vannes, cela fait maintenant douze ans que l’on travaille la question de l’accès aux droits communs et aux soins par l’hygiène de vie et l’équilibre alimentaire. En totale anticipation du plan nutrition-santé 2011/2015 qui recommande de développer des actions d’information et d’éducation nutritionnelle en particulier en direction des personnes précarisées. « Nous préférons parler de personnes vulnérables », corrige, elle aussi dans un large sourire, Nathalie Girard.
« Constituer une assiette équilibrée et variée »
Alors, pour ne brusquer personne et permettre à chacun d’entrer le plus sereinement possible dans une démarche de mieux-être, les premières rencontres se font à l’intérieur même des quartiers, par l’entremise des organismes sociaux. « Le plus généralement, ce sont les éducateurs qui perçoivent une demande. Ils nous appellent et, parmi les trente professionnels de santé avec lesquels on travaille, on cherche celui qui pourrait le mieux répondre à la demande », poursuit la responsable de la structure. Une fois cette première prise de contact effectuée, la deuxième étape consiste en la mise en place de ces fameux ateliers prévention-santé. Toujours sur la base du volontariat, ce sont les habitants qui franchissent le pas. « Ici, confirme Florence, nous sommes acteurs de notre présent. On ne subit pas. »
Habitant Ménimur, cette mère de famille de 55 ans est arrivée au relais grâce à une annonce relayée par le centre social de ce quartier situé au nord de Vannes. « Je voulais réapprendre à bien manger », explique-t-elle simplement. Mère de « cinq grands enfants », aujourd’hui vivant seule, Florence « a perdu le juste rapport à la nourriture ». Elle s’est donc inscrite à l’atelier « Les pieds dans l’plat ». « Avant toute chose, précise la diététicienne Laurence Jaffré-Lebouquin, avec mes collègues, nous mettons en place des consultations de 45 minutes pour comprendre l’histoire de ces personnes et leur rapport exact à l’alimentation. » Dans le cas de Florence, il lui fallait réapprendre à « constituer une assiette équilibrée et variée ».
La convivialité comme valeur ajoutée
Pour ce faire, aucun jugement. « Lors de ces ateliers, reprend la diététicienne, on se fixe des objectifs à tenir en groupe puis chez soi, à la maison. » Au relais prévention santé de Vannes, tout se joue au niveau d’un buffet… un peu particulier. Classés par catégories, les aliments sont en plastiques. Et pour chacune d’entre elles, une couleur : jaune pour les féculents, vert pour les légumes, rouge pour les fruits etc. « Grâce à ce code, se souvient Florence, on constitue un menu et on apprend, par exemple, à ne plus mélanger pain et féculent. » Chose importante, aux « Pieds dans l’plat », on ne parle jamais de régime. « Ici, pas d’interdits, rebondit Isabelle, autre participante à cet atelier. On peut manger de tout mais modérément et sans culpabilité. »
« L’autre intérêt de ce buffet, embraie Laurence Jaffré-Lebouquin, c’est qu’il nous permet d’aborder la question de la préparation des aliments. Quand on a 50 euros par semaine pour faire les courses, mieux vaut acheter des produits bruts et frais que des plats préparés. » La preuve par le hachis parmentier. Accrochée dans la grande salle commune du relais, une affiche intitulée « Que vais-je manger ? » fait le point sur les valeurs nutritives et compare le coût de revient d’un hachis industriel avec celui d’un hachis maison. Alors que pour le premier, on compte entre 40 et 50 g de viande pour 160 g de purée au prix de 1,24 € par personne, pour le second, les proportions grimpent à 90 g de viande pour 250 g de purée pour un coût de 90 centimes par personne. « Si le hachis parmentier industriel permet de ne pas cuisiner et de manger rapidement, explique la diététicienne, le hachis fait maison, lui, revient non seulement moins cher mais permet de se retrouver autour d’une table en famille ou entre amis. » Avec, pour valeur ajoutée, la convivialité.
Intitulée « Bien manger, bien bouger », la thématique 2014 du programme nutrition, du relais prévention santé, a été suivie par 114 personnes – 100 habitants et 14 accompagnateurs. Parmi les premiers retours reçus par Nathalie Girard, 63% des participants se disaient satisfaits et 59% d’entre eux déclaraient vouloir dorénavant changer leurs comportements alimentaires. « Que ce soit à l’atelier ou en-dehors, désormais nous nous tenons à cette rigueur personnelle faite d’équilibre alimentaire, de sport et de rencontres », résume Florence. « Grâce au relais prévention santé, je me suis fait des amis, lâche Isabelle, dans un sourire mentholé. Depuis que je participe à ces ateliers, je recommence à sortir de chez moi. Les gens qui me connaissent disent tous la même chose : j’ai changé. »
Relais prévention santé de Vannes
14 rue René-Roëckel
tél. 02 97 40 40 62
Image de Une : Leela Cyd
Photomontage : Un petit-déjeuner équilibré au lycée professionnel Julien-Crozet, à Port-Louis, à côté de Vannes. (crédit DR)
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