Pile poil le jour de la finale du mondial de football et 24 heures avant les promotions de la Légion d’honneur, le Journal Officiel du 13 juillet vient de nous gratifier de la publication du décret accordant aux restaurants et traiteurs le label « Fait maison ». En cette période qui est également celle du rattrapage du bac, nous prendrons la chose avec méthode, en analysant d’abord les termes de notre sujet.
« Fait », du verbe faire. En l’espèce on imagine qu’il s’agit de faire avec ses petites mains des plats qui vont être servis à des clients. En français, ladite définition pourrait nous amener à préciser le verbe en le changeant pour « cuisiner ». Mais en l’occurrence, on ne va pas pouvoir, parce que le décret ne se préoccupe des produits que pour leur état : « épluchés, à l’exception des pommes de terre, pelés, tranchés, coupés, découpés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus ou broyés, fumés, salés, réfrigérés, congelés, surgelés, conditionnés sous vide. » Voilà qui est « fait ». Peu importe par qui, un homme ou une machine, peu importe comment, avec désir de bien faire ou de faire de l’argent, peu importe où, à proximité ou à l’autre bout du monde, ce qui est fait est fait.
« Maison ». Là, on sent bien que le législateur n’a pas pensé « grande maison » ou « bonne maison », mais a voulu souligner ce désir de chaque client d’aller dans un lieu public appelé restaurant et de manger « comme à la maison », voire, comme chez mamie, des produits choisis avec attention par le maître ou la maîtresse de maison et dignes de rentrer sous le toit protecteur choisi comme symbole du logo que les restaurateurs vont bientôt apposer sur leur restaurant.
Résumons donc concrètement la situation : n’importe quel péquin qui décongèle au micro ondes un saumon d’élevage à la provenance improbable, qui y ajoute une sauce sous-vide et des épinards congelés de la grande maison Métro, cuisine du « fait maison », idem pour des lasagnes à la viande de cheval.
La question qui nous turlupine alors est maintenant celle du « non fait maison ». Et là, le gouvernement a trouvé une parade imparable : la pomme de terre. Relisez bien le texte plus haut, même épluchée par l’homme ou la machine, congelée ou pas, c’est la patate qui a le pouvoir de faire écrouler le toit de la maison pour que les fast-food restent ainsi exclus du club ultra chic instauré par ce décret qui avoue, en creux, sa détestation absolue des frites.
On attend avec grande impatience le premier fast-food qui va remplacer les frites par de la purée home made, histoire de rajouter un peu de non-sens à des non-décisions.
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