Que faire quand le climat (au propre et au figuré) est si anxiogène ? Comment se changer les idées dans cette atmosphère plombée, des violents débats qui nous cernent et nous embarquent sur les réseaux sociaux, dans les cafés, les télés, les radios, les journaux, les écoles, les bureaux ? Et comment dépasser cette peur vissée au ventre d’un monde qui bascule dans l’obscurantisme et l’intolérance ?
J’ai une proposition. Elle ne conviendra peut-être pas à tout le monde, mais je vous assure que ça marche : il faut jardiner et/ou cuisiner, le plus possible. Car loin d’être des hobbies superflus, ce sont là deux activités salutaires, à la portée de tout le monde, qui nous relient à ce que nous sommes profondément, à la nature, à la vie, à la générosité, au partage, aux sens, au plaisir. Ce sont des activités aussi apolitiques que fédératrices.
En ce qui me concerne, cela fait plusieurs semaines que je me suis mise à semer, biner, désherber, repiquer, arroser… Sur les rebords et les appuis de mes fenêtres, sur la cheminée, dans le salon, mais aussi en bas de chez moi, dans la rue, au pied des arbres – d’ailleurs j’ai même mon « permis de végétaliser ». Il y a des trucs qui poussent partout. Les enfants et les grands-parents participent, et lorsque nous jardinons dehors, les passants s’arrêtent systématiquement, sourient, entament une conversation sur des sujets potagers. Nous bichonnons les plantes en famille, on s’extasie sur les radis, le blé en herbe, les courges qui s’échevèlent, les pois qui prennent de la hauteur, les fraisiers et les framboisiers qui fleurissent. C’est une attente pleine d’espoir, de promesse, de douceur.
Le dimanche du premier tour, notre petite épicerie favorite, Le Zingam, fêtait l’ouverture de sa deuxième adresse. Nous y sommes allés après être passés aux urnes. La chaussée était investie de belles et bonnes choses, salades fraîches, charcuteries, poissons marinés, bouquets sauvages, patates aux herbes, saucisses artisanales (grillés au barbecue dans l’arrière-cour), premières fraises de la Drôme, fromages, yaourts frais, bières et vins nature… Amis, clients, producteurs et fournisseurs se mêlaient et se régalaient. Les épiciers avaient cuisiné, c’était généreux et gai. On parlait de cultures, de saisons, de goûts. Pendant un temps, la bonne bouffe partagée nous a fait oublié tout le reste.
J’ai rarement autant mitonné que ces temps-ci, des choses que je n’avais jamais faites avant, et ce n’est sans doute pas un hasard : poutargue, tortellinis maison, terrines de foie de lotte, samosas, beureks, soupes chinoises, hummus, artichauts barigoule, sardines farcies – autant de plats qui demandent souvent un travail long et minutieux, à faire collectivement, impérativement. C’est important d’être ensemble, et quel régal ensuite ! Evidemment on mange réunis autour d’une table, on essaie d’éviter les grosses polémiques, mais surtout, on savoure cette humanité qui passe par la nourriture, de la terre à l’assiette – sujets largement oubliés, comme d’habitude, par nos figures politiques.
Photos : Camille Labro
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