Analyse USA
USA : le virus bloque des abattoirs mais la saison des grillades reste sauve
Plusieurs gros abattoirs américains ont dû fermer leurs portes après des cas de Covid-19 parmi les employés. Mais même si certains éleveurs ne savent plus quoi faire de leurs bêtes, ces perturbations ne devraient pas conduire à une pénurie de viande dans les supermarchés. Au pire, « les consommateurs auront un peu moins de choix (…), ils auront un rôti au lieu d’un faux-filet« , prédit Dawn Thilmany, spécialiste du secteur agroalimentaire à l’Université de l’État de Colorado.
« Peut-être verra-t-on des pénuries localisées ou temporaires de certains produits, mais les distributeurs ont des stocks de viande congelée assez importants« , dit-elle à l’AFP. C’est le patron de l’un des géants de la viande aux États-Unis qui a sonné l’alarme dimanche. Son entreprise, Smithfield, a dû cesser jusqu’à nouvel ordre l’activité d’un abattoir de porcs dans le Dakota du Sud, par où passe 4% à 5% de la production du pays. « L’arrêt de ce site, combiné à une liste grandissante d’autres abattoirs ayant dû fermer, met en danger l’approvisionnement en viande dans notre pays« , a alors affirmé Kenneth Sullivan.
Un abattoir de porcs de Tyson Foods dans l’Iowa et deux abattoirs de bovins de JBS, en Pennsylvanie et dans le Colorado font partie des autres établissements touchés. Au total, « une poignée de sites sont fermés » et d’autres « fonctionnent avec des équipes réduites ou une activité ralentie« , indique Julie Anna Potts, directrice générale de la fédération des professionnels de la viande North American Meat Institute. Des abattoirs ont pris des mesures de protection, comme des contrôles systématiques de températures des salariés, le port de masques ou l’installation de tentes à l’extérieur en guise de salles de pause élargies. Mais de nombreux salariés sont déjà tombés malades et d’autres préfèrent ne pas prendre le risque.
Or au même moment, si les commandes des restaurants ont chuté, la pandémie a aussi déclenché une ruée des consommateurs vers les rayons boucherie. Selon le cabinet Nielsen, du 7 mars au 4 avril, les ventes aux particuliers de viande en conserve ont bondi de 166%, celles de viande transformée de 70% et celles de viande fraîche de 59%. Maintenant que les congélateurs sont pleins, la demande devrait s’assagir. Mais la saison des grillades arrive.
Réserves record de porcs
Le ministère américain de l’Agriculture assure « surveiller de près » la situation mais souligne que « la production et la fabrication d’aliments sont largement dispersées à travers les États-Unis » et qu’il n’y a pas « de perturbations généralisées dans la chaîne d’approvisionnement« . Selon Dermot Hayes, économiste à l’Université de l’État d’Iowa, les distributeurs « ont actuellement des réserves record de porcs (…), avec tout ce qui n’a pas été vendu à la restauration« . « On a plusieurs semaines, voire mois, de stocks« , affirme le spécialiste selon qui il faudrait vraiment voir les abattoirs fermer les uns après les autres pour qu’un problème émerge dans les rayons.
Les éleveurs en revanche font face à une situation périlleuse car malgré un pic de la demande dans les magasins, les problèmes logistiques ont fait chuter les cours du bétail. Selon une étude du Conseil national des producteurs de porcs (NPPC), les éleveurs vont perdre 37 dollars par animal en moyenne cette année, 5 milliards de dollars au total. Après deux années difficiles marquées par la chute des exportations vers la Chine en raison de la guerre commerciale engagée par Washington, ils espéraient encore en début d’année pouvoir tirer 10 dollars par animal.
Certaines exploitations ne savent par ailleurs pas quoi faire des porcs censés partir à l’abattoir. « Les producteurs laitiers peuvent jeter leur lait. Les maraîchers peuvent jeter leurs fruits ou leurs légumes. Un éleveur de porcs ne peut pas simplement se débarrasser de ses bêtes« , remarque Howard Roth, le président du NPPC, qui a appelé mercredi le gouvernement à acheter pour 1 milliard de dollars de porcs afin de débloquer la situation. Une catégorie tire en revanche profit de la situation, remarque Dawn Thilmany, selon qui « la demande n’a probablement jamais été aussi forte pour les petits et moyens éleveurs qui ont choisi de vendre directement aux consommateurs ou aux restaurants« .
Par Juliette Michel pour AFP
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