Tiens, c’est quoi ça le « Mouvement pour l’équilibre nutritionnel » ? Une page de publicité m’attire dans les pages de mon magazine culturel préféré (et oui, même les journalistes web continuent à manger du papier…). Visuellement, c’est assez moche, on sent le dossier sérieux : à gauche, une tranche de brioche nappée de confiture, à droite un texte écrit tout petit, plein de chiffres et de sigles. Et puis cette information capitale : « Savez vous que 90 % des français n’ont qu’une connaissance approximative du nombre des calories qu’ils consomment chaque jour ? » Bande d’inconscients, va ! Vous êtes donc nombreux à ne pas lire les petits tableaux qui ornent désormais chaque paquet de gâteaux qui se respecte. Oui oui, cette délicieuse mousse au chocolat ou ce yogourt à la vanille sur coulis de fruits rouges sont des bombes caloriques qui satisferont à elles-seules votre apport journalier, donc fermez le frigo.
Mais rassurez-vous, le MENU, Mouvement pour l’équilibre nutritionnel, veille au grain et a même la solution : les édulcorants et les produits allégés sont vos meilleurs alliés ! Car derrière un mouvement qui se présente comme un « nouvel acteur de l’information santé » se profile l’International sweeteners association, organisation à but non lucratif représentant les fabricants et les utilisateurs d’édulcorants, dans le but de sensibiliser la population aux « recherches les plus récentes concernant le rôle et les bénéfices des édulcorants et des aliments et boissons qui en contiennent »…
En d’autres termes, c’est un lobby industriel, logé à Bruxelles, afin de convaincre les parlementaires européens et la population que oui, l’aspartame, entre autres, est bien nécessaire à notre alimentation. Pour achever de nous emballer, l’International sweeteners association est bien entourée. Est également au MENU le Collectif national des associations d’obèses et l’Obobs pour Observatoire de l’obésité. Cette organisation a été fondée par l’endocrinologue Pierre Azam, qui s’est déjà illustré comme un fervent défenseur des édulcorants, pour la population diabétique notamment.
L’opération est assez claire : redonner du crédit scientifique à des produits controversés : l’aspartame fait depuis 30 ans l’objet de polémiques, les études se contredisant sur ses effets cancérigènes. En février dernier, une expertise collective de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a confirmé son innocuité mais des doutes persistent sur la porosité de l’institution européenne aux conflits d’intérêts (voir à ce sujet l’étude Unheappy meal publié en octobre 2013). Et ce n’est pas pour rien que la Stévia, nouvelle coqueluche des édulcorants naturels, est aussi dûment citée sur le site du MENU.
Il s’agit enfin de contrer un affaiblissement du marché de la consommation light, diagnostiqué en France depuis la fin des années 2000, au profit des produits « natures » ou « biologiques », avec le moins d’additifs ou de chimie possible. Et pour réorienter le chaland, rien de tel qu’un peu de com’ austère. Mais bizarrement, le MENU ne s’appesantit pas sur cette étude de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ) de 2012, menée sur 60 000 femmes enceintes consommant des boisons sucrées ou édulcorées : certes, pas de risques sanitaires avérés à boire ou à manger des édulcorants, mais aucun intérêt nutritionnel non plus. Fermez le ban… ou tournez la page.
Image Sir Yes Sir / Art by Kris
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