analyse
Manger à l’ère du coronavirus: la distribution alimentaire teste ses limites
Riz, pâtes et conserves en rupture de stock dans certains rayons de supermarchés, besoins d’approvisionnement en hausse dans les hôpitaux: l’industrie agroalimentaire et la distribution, secouées par la crise du coronavirus, sont passées en mode de combat pour éviter les pénuries en France.
Alors que des patrons de la grande distribution affirment en choeur qu’il n’y « aura pas de pénurie dans les magasins « , des images de rayons de céréales vidés comme en temps de guerre font le tour d’internet depuis une semaine. « Samedi après-midi, il y a eu certaines ruptures sur les conserves sucrées, salées, sur les pâtes et le riz. C’est le vieux réflexe français de stockage, on sent une volonté claire des consommateurs de stocker », admet Richard Girardot, président de l’Association des industries agroalimentaires (Ania) dans un entretien à l’AFP.
Sur la semaine du 2 au 8 mars, les ventes de produits de grande consommation se sont envolées: +5,6%, alors que la moyenne hebdomadaire de croissance sur ces produits était de 2% en 2019, selon l’indicateur de référence Nielsen. Les produits d’épicerie dépassent tous les plafonds: les ventes de riz, pâtes et conserves ont bondi de 21% sur la semaine, après +13% la semaine d’avant. D’ordinaire, mis à part quelques pics ponctuels de consommation de +5% dus à des effets de calendrier (chocolats de Pâques…), la croissance moyenne de ce rayon est très stable. Selon Nielsen, elle est comprise entre 1,5 et 2% en valeur chaque mois depuis 10 ans.
« Ce sont des familles qui se disent si je dois rester à la maison pendant 15 jours et ne pas aller faire mes courses, j’aime autant avoir mon stock » a essayé de justifier le président du géant Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, sur RMC. Le PDG de Système U, Dominique Schelcher, dont le réseau compte quelque 1.600 points de vente, a aussi mis en cause le « sur-stockage ». Mais les deux patrons ont assuré qu’il n’y « aurait pas de pénurie ». « On a de la bouffe en France jusqu’à l’été », a même lancé M. Leclerc. Cette semaine, les industriels de l’agroalimentaire, les distributeurs et les transporteurs se sont pourtant réunis autour du ministre de l’Agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume, et de la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher.
Laisser tomber les lots promotionnels
Le but était « d’anticiper » les problèmes de la chaîne logistique alimentaire si « la frénésie d’achats se poursuivait dans les prochains mois », a indiqué M. Girardot, qui ne se souvient pas de razzias similaires, « sauf peut-être en mai 68 ». Et d’établir un plan de continuation de la fabrication. « En cas de confinements, nous avons obtenu de l’État qu’il y ait une réponse uniforme sur tout le territoire pour les autorisations de transport », a-t-il affirmé.
L’incendie de l’usine Lubrizol en septembre à Rouen a laissé de mauvais souvenirs, avec le préfet d’un département qui « bloquait le transport du lait », alors que celui du département voisin « le laissait circuler », souligne-t-il. L’Ania a demandé à ses adhérents de se concentrer sur la fabrication de produits de première nécessité, les 20% qui font 80% du volume, et de laisser tomber les lots promotionnels. Elle souhaite éviter les rationnements comme en Grande-Bretagne, où le numéro un Tesco limite depuis ce week-end les achats à cinq produits pour les pâtes, les lingettes antibactériennes, les gels et le lait à longue conservation.
Explosion des circuits courts
Pour certains légumes en conserves, quelques rationnements pourraient néanmoins intervenir s’ils sont hors saison, a prévenu M. Girardot. Le secteur réfléchit aussi à la façon d’augmenter les livraisons aux hôpitaux où il y aura plus d’activité dans les semaines à venir. Une réorientation des chaînes logistiques qui pourrait être facilitée si dans le même temps des écoles sont fermées. Enfin, « nous avons obtenu du ministère de l’Économie que le secteur agroalimentaire soit considérée comme prioritaire pour l’attribution de masques de protection aux salariés » a précisé M. Girardot.
Sur les lignes de production de produits frais ou de pâtisseries, des masques sanitaires anti-projections sont déjà utilisés par les opérateurs. Mais ce secteur doit protéger ses salariés pour assurer la continuité des fabrications, cruciales pour le reste de la population. En attendant, l’effet coronavirus soutient les circuits courts de distribution: Aurore Market, une société de produits bio et français sur internet, née en 2018 et basée dans l’Aveyron, dit avoir vu son nombre d’adhérents s’envoler de 38% en dix jours. « Du jamais vu ».
Par Isabel Malsang, Katia Dolmadjian et Laure Brumont pour AFP
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