Après le saumon fumé, c’est au tour des conserveries de thon, de maquereaux et de sardines, rattrapées par une hausse des coûts galopante, de se demander si elles passeront l’hiver. Cette flambée des cours des matières premières sur fond de demande toujours plus soutenue, « met la filière en grand danger », selon la profession, qui redoute « une réorganisation du travail dans les conserveries ainsi que des ruptures d’approvisionnements ».
Cette hausse « record » est causée par de multiples facteurs: la profession, qui emploie quelque 2.500 personnes en France, craint pour la pérennité de ses entreprises. « Ce qui est un petit peu alarmant cette année, c’est que d’habitude, pour les fabricants, quand il y a une matière qui flambe, il y en a toujours une autre qui est raisonnable« , déclare Pierre Commere, délégué général pour l’industrie du poisson à l’Adepale (Association des entreprises de produits alimentaires élaborés).
Or, cette année, les trois principales denrées poissonnières vendues en conserves sont « pour la première fois (…) toutes touchées », selon la profession. Le cours du thon albacore, par exemple, a grimpé de 30% depuis le début de l’année. Même phénomène d’inflation pour les maquereaux, de l’ordre de +35% par rapport à la saison 2015-2016″. Les sardines, elles, ont pris près de 50% en moyenne sur la période juin-août 2016 par rapport à la même période en 2015.
Changement climatique et coût de l’huile d’olive
Cette alerte des conserveries fait suite à un premier cri d’alarme: il y a dix jours à peine, les professionnels du saumon fumé ont fait état d’un bond de 50 à 60% du prix moyen de leur matière première entre 2015 et 2016, évoquant une possible « pénurie » pour les fêtes de fin d’année, une période cruciale pour leur activité. De nombreux facteurs sont avancés pour expliquer ces hausses: outre le changement climatique et ses conséquences sur la réserve halieutique (température des eaux, croissances planctoniques, migrations, etc), la hausse du gasoil, le surcoût lié à l’instauration d’une pêche responsable et l’augmentation du cours de l’huile d’olive, ingrédient de base pour les conserves, sont également évoqués.
Entre juin 2014 et juin 2016, le prix de l’huile d’olive, ingrédient essentiel des conserves, « a progressé de 30% », rappelle ainsi la profession. Lorsque les producteurs ont négocié avec les distributeurs pour l’année 2016, la profession sortait « de quelques mois de baisse assez nette » des cours du poisson, explique à l’AFP Amaury Dutreil, directeur général de Petit Navire.
Les négociations vont être dures
« On a eu une gueule de bois assez monumentale au mois de mars, quand ça s’est retourné. Depuis, ça n’arrête pas« , souffle-t-il, fataliste. Lors des prochaines négociations annuelles, qui doivent démarrer fin décembre, il espère répercuter une hausse de prix de quelques centimes, qui permettrait d’absorber cette hausse des coûts et ne changerait selon lui « pas grand-chose » au volume de consommation de ces produits. D’autant que les conserves de poissons « restent aujourd’hui parmi les protéines animales les plus qualitatives et les moins chères pour le consommateur« , abonde Jean-François Hug, directeur général de la maison Chancerelle, qui produit notamment les sardines Connétable.
Mais M. Dutreil est assez pessimiste: « le contexte actuel de très forte déflation« , laisse selon lui « présager des négociations qui vont être dures« . Il n’y a pour l’instant pas eu de mesure sociale dans son entreprise et aucun licenciement n’est envisagé, mais il reconnaît que « si rien n’avance« , des suppressions de postes sont de l’ordre du « possible« . « Nous n’envisageons pas pour le moment de réorganisation de travail« , déclare pour sa part M. Hug, qui emploie 500 personnes à Douarnenez. Il estime toutefois que son entreprise ne peut « pas assumer seule la forte hausse des coûts de production« . Dans ce secteur, où les marges sont « déjà très écrasées« , selon M. Dutreil, le coût de la boîte de conserve est à 70% lié au poisson, rappelle-t-il.
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