Ignorer que les populations les plus pauvres sont aussi actrices de la conservation des ressources et de la protection de l’environnement est une erreur. Une erreur qu’est en train de commettre la COP 21 en déniant à celles-ci le droit de s’intéresser à l’écologie. Un mouvement pour une « justice environnementale » qu’appellent de leurs vœux des ONG telles Greenpeace, Oxfam, Action Aid ou le CIDSE, un réseau d’obédience catholique, avec leur appel « des peuples sur le climat ».
« Seule une transformation systémique de nos sociétés, de nos économies et de notre monde pourra permettre de répondre, tant à la crise climatique, qu’à l’accroissement des inégalités. » Le préambule de l’« épreuve des peuples sur le climat » (« the people’s test on climate »), texte publié le vendredi 26 juin par Mediapart, est on-ne-peut plus clair. Et rappelle que si le cœur de la négociation onusienne sur le climat porte depuis vingt ans sur la réduction des gaz à effet de serre, il en oublie pour autant la défense des droits économiques, sociaux et politiques des habitants des pays les plus pauvres ou en voie de développement. Ces mêmes communautés, « les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, alors qu’elles en sont les moins responsables ».
L’eau et les rivières, l’air, la terre et les forêts… Autant de ressources premières, indispensables à tous mais plus encore aux plus démunis qui en dépendent directement, dont le seul contrôle revient le plus souvent à des pouvoirs industriels et économiques peu scrupuleux sur les questions d’environnement. Les exemples de par le monde sont légion : mines d’or, de plomb, de cuivre ; forages et barrages gigantesques ; élevages de crevettes qui détruisent les mangroves ; usines meurtrières (Bhopal) etc. Toutes ces productions d’énergie et de matières, concourant au développement économique du Nord, ont généralement des effets pervers au Sud. Des « externalités » comme les appelle Joan Martinez Alié, auteur de L’écologisme des pauvres. Une étude des conflits environnementaux dans le monde, avec leur lot de déchets et de pollution, qui pourrissent, in situ, la vie des populations les plus pauvres.
Si ces conflits pour la vie sont aussi vieux que l’ère industrielle, ils se multiplient sous des vocables divers : défense des droits sociaux, humains, ancestraux, souvent conduits par des femmes. S’agit-il pour autant d’écologie ? Ou cette dernière reste-t-elle cantonnée à une idéologie de nantis ? L’histoire de « l’écologisme des pauvres », ce combat en faveur d’une « justice environnementale », dément cette idée reçue. Au travers de nombreuses luttes, les populations les plus fragilisées ont démontré et démontrent toujours qu’elles sont, elles aussi, actrices de la défense et de la conservation des ressources premières et de la préservation de l’environnement.
Colère grandissante et désarroi
Une réalité que semble ignorer la 21e conférence sur le climat de l’ONU qui se tiendra à Paris à la fin de l’année. D’où cet appel, notamment signé par Greenpeace, Oxfam, Action Aid ou le CIDSE, qui formule quatre exigences politiquement claires en faveur de la réduction immédiate et drastique des émissions de gaz à effet de serre, sans attendre 2020, date prévue du début de mise en œuvre d’un éventuel accord à Paris ; en faveur de davantage d’argent et de transferts technologiques en direction des pays vulnérables ; en faveur de la garantie d’une justice vers les communautés impactées, et notamment pour « sécuriser l’emploi et les moyens de subsistance des travailleurs grâce à des transitions justes » ; enfin, en se concentrant sur les actions transformatrices et non pas en faisant diversion avec ces « fausses solutions » que sont, par exemple, les marchés carbones sur les terres ou la géo-ingénierie.
« Un discours inhabituel de la part des grandes ONG écologistes, rappelle Mediapart. Tout aussi inédite que la volonté émise par des organisations syndicales, regroupées dans la Confédération internationale des syndicats (CIS), de s’associer aux réseaux de défense de l’environnement et à des mouvements sociaux du Sud. » Née en 2013, lors du dernier sommet sur le climat de Varsovie, « cette alliance révèle la colère grandissante et parfois le désarroi des mouvements sociaux face à l’échec répété de la coordination internationale contre le réchauffement de la planète. »
A tel point qu’à la veille d’une nouvelle réunion climat, organisée à New York par l’ONU le lundi 29 juin, les auteurs de cette « épreuve des peuples sur le climat » ne désarment pas mais craignent d’ores et déjà que « les résultats du sommet sur le climat de Paris ne soient pas à la hauteur des enjeux. Au contraire, la COP 21 risque encore une fois de légitimer les rapports de force actuels en faveur des élites, en ne proposant que des changements à la marge ».
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