Analyse Politique
Le Foll et les vétérinaires sur le grill de la commission d’enquête
La commission parlementaire sur les abattoirs entendra mercredi et jeudi le ministre de l’Agriculture et des représentants des inspecteurs vétérinaires pour tenter de faire la lumière sur les scandales de mauvais traitements d’animaux révélés par les vidéos terrifiantes d’une association.
Les auditions entrent dans leur troisième semaine et devraient se poursuivre au moins jusqu’à la fin du mois. L’association de défense des animaux L214, à l’origine des vidéos, s’est interrogée lors de son passage le 27 avril devant la commission sur la réalité et l’efficacité des services vétérinaires, dont la « présence continue » est théoriquement imposée par la réglementation. Mais pour qui « le bien-être animal n’est jamais une priorité comparé aux questions d’ordre sanitaire, parce que ça n’a pas de conséquences. Sauf quand les caméras sont là« , a accusé Brigitte Gothière, porte-parole de l’association, pointant par ailleurs le nombre insuffisant d’inspecteurs et d’inspections (1.000 postes pour près de 800 abattoirs). « De plus, quand il y a contrôle, il est rarement suivi d’effet ou de sanctions » en cas de manquements, a-t-elle relevé, citant sur ce point un rapport de la Cour des comptes de février 2014. Les services vétérinaires ont perdu 250 postes entre 2007 et 2011, passant de 1.650 agents à 1.400. Suite au scandale des lasagnes à la viande de cheval en 2013, le ministère de l’Agriculture a gelé les réductions d’effectifs et entrepris de créer 60 postes par an jusqu’en 2017. Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll sera interrogé mercredi sur le résultat de l’inspection nationale, ordonnée fin mars, après la diffusion des vidéos, ainsi que sur le plan annoncé, début avril, sur le bien-être animal.
Création d’un délit de maltraitance
Ce plan prévoit notamment la création d’un délit de maltraitance envers les animaux pour les directeurs des abattoirs et prévoit d’installer un référent bien-être animal, spécialement formé dans tous les établissements, quel que soit leur volume d’activité. Ces référents pourraient bénéficier du statut de lanceur d’alerte mais resteraient salariés de l’établissement, ce qui fragilise leur position puisqu’ils se retrouvent à la fois juge et partie. L’association CIWF (Compassion in World Farming), qui a participé aux réflexions sur le plan, a d’ailleurs estimé « décevants » les engagements pris par l’État. « Le ministre ne mettra pas les moyens suffisants pour assurer des contrôles systématiques au poste d’abattage », estime CIWF. Les deux premières semaines d’audition ont vu défiler des responsables d’association de défense des animaux, les directeurs des abattoirs mis en cause, des représentants du secteur de l’industrie des viandes ainsi que des fonctionnaires de la Direction générale de l’Alimentation (DGAL).
Tuer un milliard d’animaux par an
Parmi les thèmes soulevés, les cadences de travail et l’insuffisance de la formation des employés des abattoirs. « Peut-on tuer à la cadence d’un milliard d’animaux par an en respectant les règles? A ce rythme, on est loin de cas de maltraitance individuels ou d’un employé déficient, c’est une question structurelle » a estimé le président de L214, Antoine Comiti, pour qui il existe « beaucoup d’autres cas » que ceux montrés par l’association. Le directeur de l’un des abattoirs incriminés, celui du Vigan dans le Gard, a critiqué les « carences » des formations concernant la protection animale. Pour lui, la vidéosurveillance est la seule solution au problème, défendue également par le patron de la DGAL, même si ce système pose des problèmes juridiques de protection de la vie privée. Élus, responsables professionnels et associatifs ont aussi largement évoqué le problème posé par l’abattage « rituel » sans étourdissement, qui représente par exemple 50% de l’activité de l’abattoir municipal d’Alès, directement mis en cause dans les vidéos.
Par Emmanuelle MICHEL pour AFP
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