Les produits labellisés « commerce équitable », en soutien aux agriculteurs des pays du sud, mais aussi aux producteurs français, ont connu un bond de 22% de leurs ventes en France l’an passé, illustrant un « envol » de la « consommation responsable », selon la plate-forme qui réunit tous les acteurs du système.
Avec un chiffre d’affaires de près de 1,3 milliard d’euros (1,276 milliard) sur des produits labellisés garantissant un revenu décent aux agriculteurs, la France a réalisé en 2018 « une année assez exceptionnelle« , a déclaré à l’AFP Blaise Desbordes, directeur-général du principal organisme de certification de commerce équitable Max Havelaar. Alors que la consommation dans son ensemble est plutôt stagnante en France, la courbe de la consommation responsable « prend son envol« , « les gens n’achètent pas plus, mais achètent plus responsables« , a-t-il ajouté. Selon lui, cette tendance s’explique aussi bien par des « tendances de fast-consommation qui régressent« , que par la prise de conscience du besoin de réduire le gaspillage alimentaire, née des États généraux de l’alimentation (Egalim). Ce vaste débat lancé par le gouvernement a mis l’accent sur le soutien au revenu paysan face au poids démesuré de l’industrie agroalimentaire et des centrales d’achat de la distribution dans la mondialisation économique et alimentaire, souligne M. Desbordes. Dans les filières « made in France » recensées par la plate-forme « commerce équitable France », l’envolée des ventes a été de 34% en 2018.
« Une nouvelle norme »
Elles comprennent les gammes « Agri Ethique » pour le blé, la farine et les boulangeries, « Ensemble solidarité avec les producteurs » de la chaîne bio Biocoop, « Bio-partenaires » dans le commerce spécialisé bio, ou encore la gamme « Paysans d’ici » de la marque Ethicable. Même si les démarches sont comparables, les ventes des produits du type « C’est qui le patron? » et autres gammes « en soutien aux producteurs » lancées dans la grande distribution ne sont pas prises en compte dans le bilan annuel de la plate-forme. « Même si sur certains produits, leur cahier des charges ressemble à celui du commerce équitable, elles n’ont pas des critères uniformes et pas de contrôle extérieur ni de label commerce équitable« , explique à l’AFP Julie Stoll, déléguée générale de la plate-forme.
Dans les filières internationales (chocolat, café, banane..), les ventes de produits équitables ont progressé de 17% en 2018 en France. « Le commerce équitable s’impose de plus en plus comme une nouvelle norme plutôt que comme une niche militante« , estime M. Desbordes: Les consommateurs découvrent peu à peu que protéger la planète avec l’agriculture bio et protéger socialement les producteurs sont « les deux piliers de la consommation responsable« , liant les enjeux environnement-santé et protection sociale. Face aux effets du réchauffement climatique sur l’agriculture, « le commerce équitable est un accélérateur de transition vers le bio« , ajoute Julie Stoll. Le commerce équitable garantit aux paysans des prix plus rémunérateurs que ceux des marchés mondiaux, des contrats pluri-annuels qui leur donnent plus de visibilité, et une prime leur permettant des investissements collectifs pour s’adapter.
La distribution « bascule » aussi
Dans la distribution, au-delà des réseaux historiquement engagés comme Biocoop qui a ouvert 70 magasins l’an passé, Max Havelar se félicite particulièrement du « basculement » de masse vers le label « commerce équitable » opéré sur certains produits par de grandes enseignes nationales. Ainsi, en février, Monoprix a « basculé toutes ses bananes en commerce équitable » et « tout son chocolat va bientôt être labellisé Max Havelaar« , selon M. Desbordes, qui salue aussi l’engagement des « torréfacteurs et chocolatiers de plus en plus impliqués dans la défense des producteurs« . A Carrefour, une banane sur trois vendues est désormais équitable, soit près de 20.000 tonnes par an, selon le bilan annuel.
Dans le café, des géants internationaux comme Nespresso se sont mis à l’équitable en 2018 sur certaines dosettes, avec le même cahier des charges exigeant que les distributeurs historiques, militants du commerce équitable, a souligné M. Desbordes. Le groupe L’Oréal a pour sa part basculé tous les approvisionnements de café de ses différents sièges dans le monde en équitable. Résultat, la France qui était plutôt à la traîne sur le sujet par rapport au monde anglo-saxon a rattrapé son retard. « En Grande-Bretagne, la banane équitable est à 33% du marché, le basculement s’est fait un peu plus tôt« , commente M. Desbordes. A l’occasion de la quinzaine du « commerce équitable » qui commence le 11 mai, entreprises, associations, collectivités territoriales et militants proposent partout en France des animations pour faire mieux connaître le commerce équitable, axées cette année sur le lien avec la sauvegarde du climat.
Par Isabel Malsang pour AFP
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