Analyse Collectivités

En Auvergne-Rhône-Alpes, Wauquiez n’a pas la main verte

22.09.16

La polémique sur la subvention qu’il a accordée aux chasseurs a « beaucoup amusé » Laurent Wauquiez. Mais pour ses opposants en Auvergne-Rhône-Alpes, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase d’une politique jugée anti-écolo et clientéliste.

Jeudi, l’assemblée plénière de la région devrait valider ce partenariat inédit de trois millions d’euros sur trois ans avec la Fédération régionale des chasseurs. « Je veux qu’on sorte d’une vision environnementale très sectaire et pour moi, les chasseurs et les pêcheurs ont leur place si on discute de biodiversité », justifie Laurent Wauquiez, interrogé par l’AFP. Davantage que les « bobos des villes », complète Philippe Meunier, son adjoint à la chasse et à la pêche. L’opposition, elle, crie au clientélisme à huit mois de la présidentielle.

Laurent Wauquiez, également président par intérim du parti Les Républicains et soutien actif de Nicolas Sarkozy, « cherche à s’acheter les faveurs des 119.000 chasseurs de la région », accuse le socialiste Jean-François Debat. Quant aux écologistes, ils le peignent en « ennemi de l’environnement » en dénonçant des conseillers orientés: un moniteur de ski pour la montagne, un ancien responsable de la FNSEA pour l’agriculture bio. « Sur la culture ou la coopération internationale, ses coupes sont sélectives, clientélistes. Sur l’environnement, c’est un véritable putsch », s’indigne Jean-Charles Kohlhaas, porte-parole des élus régionaux du Rassemblement citoyens, écologistes et solidaires (RCES).

Les associations à la diète

Depuis qu’il a pris la tête de la deuxième région de France en janvier, Laurent Wauquiez multiplie les annonces et celles-ci passent rarement inaperçues, en matière culturelle ou d’immigration. Et la matière verte n’échappe pas à la règle. Car s’il a décidé de soutenir les chasseurs, il a dans le même temps baissé drastiquement les subventions de nombre de structures oeuvrant pour l’agriculture paysanne ou l’éducation à l’environnement: -40% pour le réseau Amap, -50% pour la Frapna. Le réseau Graine a lui vu son aide tout simplement supprimée. Les chasseurs vont récupérer une partie de cette mission d’éducation. Selon le document de la région que l’AFP a pu se procurer, il s’agira, outre de « comprendre et décrire l’écosystème », de « contribuer à faire saisir la distinction entre faits et hypothèses vérifiables d’une part, opinions et croyances d’autre part ».

Dans le même temps, le président d’Auvergne-Rhône-Alpes a signé de gros chèques pour des projets contestés sur le plan environnemental: 140 millions d’euros pour une seconde autoroute entre Lyon et Saint-Etienne (l’A45); 5 millions pour le Center Parcs de Roybon en Isère, malgré la suspension du chantier par la justice; 50 millions sur six ans pour des canons à neige dans les Alpes. « On ne juge pas la qualité d’une politique environnementale par la masse de subventions qui est engloutie par les acteurs mais par les résultats », répond l’intéressé.

Abandon de parcs naturels

L’abandon de deux projets de parcs naturels régionaux (PNR), dans la Dombes (Ain) et les Gorges du Haut-Allier, a fait aussi des vagues. Laurent Wauquiez a estimé qu’ils coûtaient cher en frais de structure et leur a préféré la mise en place de contrats de territoire. « Si la Dombes avait fait l’objet d’un PNR, elle ne serait pas défigurée comme elle l’est aujourd’hui par la culture du maïs qui a pompé l’eau de ses étangs », rétorque Michaël Weber, président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France. Pour lui, les neuf PNR de la région (un record et 30% de sa surface) ont fait leurs preuves avec des budgets de « seulement » trois millions d’euros par an en moyenne.

Il n’y a qu’à voir la valorisation des bois en Chartreuse, le retour d’espèces dans le Vercors ou les Baronnies, ou encore les 150 produits valorisés par la marque « Parc » dans les Monts d’Ardèche, énumère Michaël Weber. Les écologistes ne comptent pas en rester là et ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Lyon pour « empêcher l’arrêt brutal » du projet de parc des Gorges de l’Allier. Face aux critiques, Laurent Wauquiez défend une approche de l’environnement « par les projets et l’innovation ». Et de glisser quelques pistes: « aménager des voies vertes avec du goudron intelligent capable de produire de l’électricité » ou avoir « des tramways électriques qui ne sont plus avec des fils mais avec des systèmes de recharge de batterie ».

Par Sandra LAFFONT

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