Analyse Tendances

Danone, le microbiote et les millenials

29.06.16

Le Forum de l’Alimentation « Bon Appétit !» organisé hier à Paris par Danone visait à décrypter les nouvelles tendances alimentaires avec un fil directeur : la santé.  Que signifie l’organisation d’un tel événement par la marque ?

Des start-ups, des chercheurs, des médecins, des journalistes et beaucoup de « Danoners »… ils se sont tous levés, hier, pour « Bon Appétit », le forum alimentation organisé par la marque de yaourts. Elle avait convié des invités de haut-vol à échanger autour de l’alimentation avec la santé comme fil directeur. Parrain de cette journée, le plus sollicité des chefs, Thierry Marx donnait le la : « Ce que j’attends de cette journée, échanger et agir autour de 3 mots clés : plaisir, bien-être et santé ». 

Dans la salle, 4 étudiantes en master nouvelles pratiques alimentaires à Nantes. Que pensent-elles de la prise en main de ces thématiques par la marque ? « Danone montre que l’industrie alimentaire s’empare du sujet « santé », c’est bien que ce groupe organise ce genre de rendez-vous, il a au moins les moyens de mettre en place de tels événements et de faire avancer le débat « . 

Les moyens sont en effet là. La mécanique est bien huilée, l’auditorium habillé aux couleurs de Bon Appétit 2016, une trentaine d’intervenants soigneusement castés et une « star » de la télé en maîtresse de cérémonie. Nathalie Le Breton de l’émission Les Maternelles, donnera un ton jovial à cette journée.

Le sociologue Jean Pierre Poulain entame son intervention dans le cadre de la conférence « Bien-Manger à la française » qui réunit 3 sociologues et 1 historien :  » J’ai l’habitude d’aller dans des rendez-vous scientifiques où je joue le clown blanc, dans des interventions intitulées en général « le regard du sociologue »: une fois que les sociologues sont arrivés arrivent ceux qui ont fait le vrai métier ! Aujourd’hui j’ai la chance de jouer le clown blanc avec mes collègues, cela traduit sans doute quelque chose au niveau du statut des idées… ».

Des poireaux dans le Larzac

Une fois son intervention sur la « Caractéristiques et spécificités des pratiques alimentaires françaises » terminée, nous l’interrogeons : y a-t’il instrumentalisation des chercheurs, scientifiques par ce mastodonte de l’agro-alimentaire ?  » Je ne suis pas le porte-voix d’une entreprise, je ne vais pas vous dire qu’il faut boire de l’Actimel, répond Jean-Pierre Poulain du tac-au-tac, mais je n’ai aucun problème à mettre la recherche en avant et à partager nos travaux. Il ne faut pas négliger la puissance de tir médiatique des industriels. J’ai planté des poireaux dans le Larzac en 68 mais il y a aujourd’hui différents espaces pour changer les choses ». Une caisse de résonance augmentée avec l’avènement des réseaux sociaux : #bonapp2016, était le hashtag le plus commenté du secteur food, hier sur twitter. 

Après la passionnante intervention de l’historien Bruno Laurioux, « clown blanc parmi les clown blancs », au cours de laquelle on apprend que la diététique a été inventée au Moyen-Age et que « l’alimentation était une arme aux mains des médecins », c’est au tour des médecins justement, de grimper sur l’estrade du forum. « Epigénétique » et « microbiote » sont les mots qui font le buzz.

Umberto Simeoni, pédiatre à l’hopital de Lausanne explique que les maladies de l’âge adulte trouvent leurs racines de la période de la conception jusqu’à la toute petite enfance en passant par la grossesse. Les 1000 premiers jours de la vie sont une phase cruciale pour la santé de l’adulte en devenir et de ses descendants car l’effet amplificateur de la reproduction peut expliquer la diffusion pandémique actuelle de maladies non transmissibles de type diabète ou obésité, qui touche aujourd’hui 13% de la population mondiale. Une bonne alimentation du nourrisson mais aussi des parents avant la conception serait donc cruciale.

Microbiote gagnant

Harry Sokol, gastro-entérologue à l’Hôpital Saint-Antoine (Paris) et spécialiste du microbiote intestinal captive d’emblée l’assemblée avec 2 chiffres :  1 gramme de matière fécale compte 100 milliards de micro-organisme. Ce microbiote (l’ensemble des micro-organismes présents dans l’intestin)  joue un rôle majeur sur les fonctions cérébrales et la santé. Or « l’alimentation modifie le microbiote », démontre Harry Sokol, « ses dysfonctions peuvent expliquer certaines pathologies ». L’interaction entre microbiote et alimentation , un sujet passionnant pour une marque de yaourts qui doit sans cesse innover. « La recherche sur le microbiote et l’épigénétique sont au coeur de la stratégie recherche de Danone » révèle Jean-Philippe Paré, vide-président exécutif R&D et qualité du groupe. La marque finance la recherche avec la perspective de réinjecter un jour ses résultats dans ses produits : une stratégie « win-win » assumée par le groupe.

A l’heure où les grands groupes craignent l’uberisation et cherchent eux aussi à disrupter, il fait bon s’entourer de start-ups. Elles étaient d’ailleurs conviées à venir présenter leurs innovations, comme Algama, jeune pousse spécialisée dans la culture et la transformation de micro-algues. « Nous ne sommes clairement pas obsédés par les grands groupes , annonce Mathieu Goncalves, co-fondateur, mais cela nous intéresse d’entamer des réflexions communes et de créer une collaboration gagnant/gagnant ». Sur l’appropriation de Danone du sujet santé : « C’est estampillé Danone donc complètement assumé de la part de la marque, il n’y a pas de maquillage, donc cela ne me dérange pas « 

Croisée dans les allées du forum, une ancienne responsable innovation produit chez MacDo Europe. Elle a quitté la maison dans laquelle elle travaillait depuis 14 ans et accompagne désormais des projets food « qui ont du sens ». « Le consommateur fait moins confiance aux grandes marques, cette interaction entre le monde de la science, de la sociologie, des start-ups, est intéressante,  cela montre la volonté d’une grande marque comme Danone de se réinventer ». Se réinventer pour rester connecté au monde qui sera demain décidé par les millenials qui ne sont plus les même consommateurs que leurs parents. Signe de cette préoccupation, le vice-président de Danone posait dans l’après-midi une question à un panel de 4 étudiants : « Que recommanderiez-vous à Danone de faire pour séduire votre génération ? »  Les étudiants n’ont pas su répondre…

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