Analyse Marché
Chute des cours du cacao: « bombe sociale » en Cote d’Ivoire
La forte chute des cours mondiaux du cacao inquiète la filière française du commerce équitable français pour l’avenir des petits producteurs et les risques de grave tension sociale qu’elle induit en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial. « Les cours sont au plus bas, et ce brusque et inexpliqué retour du marché nous inquiète beaucoup, car il est très injuste pour les petits producteurs » a déclaré à l’AFP Christophe Eberhart, co-fondateur de la société coopérative Ethiquable, spécialisée dans les produits de commerce équitable nord-sud pour la grande distribution.
Selon Joëlle Stoll, déléguée générale de la plate-forme de commerce équitable qui fédère les acteurs de la filière, la chute des cours, perceptible depuis fin 2016, est une « bombe sociale » en Côte d’Ivoire, où « des centaines de containers sont bloqués invendus dans le port d’Abidjan« . Le cours du cacao est tombé la semaine dernière sur le marché londonien au plus bas depuis trois ans et demi, à 1.533 livres sterling la tonne, et à 1.869 dollars la tonne à New York, son point le plus bas en huit ans et demi. « Je ne comprends pas pourquoi les grandes multinationales du cacao qui se sont réunies récemment à Amsterdam pour renforcer leurs engagements en matière de développement durable ne se préoccupent pas d’abord de payer un prix équitable aux producteurs » a ajouté Mme Stoll. Selon elle, les récentes manifestations en Côte d’Ivoire s’en prenaient d’abord au gouvernement, alors que les grands groupes acheteurs de cacao sont épargnés par la contestation. La Caisse de compensation de l’Etat ivoirien a en effet été sollicitée pour régler le différentiel aux producteurs, entre le prix de marché et le prix minimum que l’Etat leur a garanti depuis l’établissement de son nouveau système de régulation. Mais elle « s’essoufle » et n’a plus les moyens, a constaté M. Eberhart.
Prix en dessous des coûts de production
« J’ai bien peur que le surplus » de production « ne soit qu’une excuse pour développer une spéculation sur les marchés hors de la valeur réelle du produit » a-t-il lancé. « Cela met en tension et en péril le système de régulation du premier producteur mondial, on ne sait pas s’il va survivre » a-t-il ajouté. Sur le terrain, les prix du cacao sont « désormais en-dessous des coûts de production« , conduisant « à un appauvrissement généralisé » des producteurs, qui ne peuvent plus se rémunérer, ou vendent leurs possessions pour faire face et arrêtent d’entretenir les parcelles. Ethiquable, qui se fournit en cacao en Côte d’Ivoire, Equateur, Pérou, Haïti, Madagascar et au Nicaragua, continue pour sa part de l’acheter « entre 4.000 et 4.300 dollars la tonne » selon les pays, soit plus du double du cours mondial, afin de soutenir les petits producteurs. Ethiquable achète environ 600 tonnes de cacao par an, ce qui en fait un acteur de référence dans le domaine du commerce équitable et du bio, mais tout petit face aux géants industriels du cacao. « Le sujet dépasse largement la filière équitable, et illustre le déséquilibre de pouvoir au sein de la filière cacao » souligne Joelle Stoll: pour la seule France, cinq marques se partagent 80% de la production des produits chocolatés, ajoute-t-elle. Le récent rapport de l’Organisation internationale du cacao (ICCO) a confirmé les risques de surplus de l’offre par rapport à la demande, avec un excédent prévu de 264.000 tonnes pour la saison 2016-2017 qui a débuté en octobre.
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