Le 14 juin, Ségolène Royal annonçait l’interdiction de la vente en libre-service du Roundup, le désherbant vedette de Monsanto. Cette mesure devrait être mise en vigueur à la fin de l’année 2016. Interdire au grand public un produit potentiellement cancérigène, même si Monsanto le conteste, paraît plutôt une bonne mesure même s’il faudra penser aux 90% des autres utilisateurs que sont les agriculteurs pour lesquels la Ministre n’a aucune mesure en magasin.
Mais reste la question : qu’est ce qui peut remplacer les pesticides dans l’agriculture ? Le biocontrôle notamment, nous répondent les pouvoirs publics qui ont créé, le 26 juin, le Consortium public-privé dédié spécialement à cette mesure. C’était aussi l’un des sujets phares du Salon plein champ Les Culturales organisé par l’institut du végétal Arvalis et dédié aux innovations en grandes cultures qui s’est tenu les 24 et 25 juin à Villiers-St-Christophe, dans l’Aisne.
Mon premier est « bio », mon deuxième est « contrôle ». Le tout, c’est « biocontrôle », ensemble de solutions alternatives aux pesticides bientôt indisponibles. On préfère vraiment ce mot aux « biopesticides » car dans « contrôle » il y a l’idée de gérer plus que d’éradiquer les agresseurs des végétaux. Comment ? Par exemple, en apprenant et en utilisant le langage des plantes.
Car si les plantes ne peuvent pas fuir l’agresseur, elles peuvent parler entre elles, envoyer des signaux à l’approche de l’ennemi, passer des messages à des copines. Elles émettent des sons et des éléments olfactifs et réagissent à ce qu’elles perçoivent. Depuis déjà une vingtaine d’années, les chercheurs essaient de comprendre et de valoriser ce langage ainsi que d’apprendre à celles qui ne peuvent pas courir les champs (de bataille), à se battre.
Les « flying doctors » à la rescousse des fruits
La recherche commence à porter ses fruits. Il y a maintenant dans son arsenal de protection du monde végétal, une sorte de vaccin comme chez les humains et les animaux. Il suffit de déposer des spores de champignons sur des plantes pour déclencher un dialogue (biochimique bien sûr) entre elles. Pourquoi donc ne pas réveiller leurs gènes de défense ? Cette réaction des plantes au stimulus est étudiée par le laboratoire de Marie-Noëlle Brisset (Inra Anger).
Le monde fantastique et bien réel des végétaux ne se limite pas aux plantes qui communiquent. Il y a aussi les « flying doctors ». Ce sont des bourdons pollinisateurs qui viennent, en cette période de fraises, à la rescousse des fruits roses menacés par le botrytis, moisissure grise. Si on charge les docteurs volants, à la sortie de la ruche, de spores d’un champignon qui parasite le botrytis, ils les déposeront, tel un médicament, là ou le mal sévit.
Il y a aussi, comme dans le monde des humains, le combat entre « les gentils » et « les méchants ». Les mini-guêpes nommées Trichogrammes détruisent en se délectant la pyrale du maïs. Les coccinelles, fiers soldats des champs bios, prêts à combattre les pucerons, s’achètent désormais dans les magasins des outils agricoles. A la guerre comme à la guerre, il existe aussi une diversion sexuelle dans cette lutte sans merci. Les phéromones sexuelles des femelles sont utilisées pour créer la confusion chez les mâles des insectes ou pour le piéger.
A la recherche de variétés résistantes ou tolérantes
« Il y a plusieurs axes de recherche à part le biocontrôle, rappelle Nathalie Verjus, chercheuse et chef du département de la défense des végétaux chez Arvalis. Notamment, la génétique, recherche des variétés résistantes ou tolérantes, ou la prophylaxie qui fait mettre les cultures dans des situations ou elles seront moins sujettes aux attaques (rotation, travail du sol), et on peut aussi travailler avec des méthodes mécaniques ou thermiques pour remplacer les herbicides. Le Consortium de biocontrôle qui vient d’être créé, va réunir la recherche publique et privée. Il est important de mettre toutes les forces ensemble et rassembler les ressources financières pour éviter que chacun se disperse. Pour le moment, il y a encore relativement peu de solutions utilisables par les agriculteurs. Trouver un nouveau produit peut prendre de 5 à 10 ans ». Les plantes intelligentes et leurs docteurs volants doivent tenir bon.
Photo © Gilles Carcassès
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