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Au Brésil, des pionniers grignotent une place dans le chocolat haut de gamme

23.12.15

Pointant au cinquième rang des producteurs mondiaux de cacao, le Brésil était absent du marché des chocolats haut de gamme jusqu’à une période récente. Mais des pionniers grignotent une place dans cet univers savoureux, avec des douceurs pur cacao, aromatisées au café ou fourrées aux fruits d’Amazonie.

La société Mendoa, basée au sud de Salvador de Bahia, est même entrée au classement des 50 « meilleurs chocolats du monde » au dernier Salon de Paris. « Il faut cesser d’exporter uniquement la matière première. Nous sommes capables de vendre un produit final de haute qualité« , martèle Rodrigo Aquim, PDG de l’entreprise éponyme. La tablette qu’il déballe fièrement, gravée de motifs asymétriques, a déjà régalé la reine d’Angleterre ou les monarques du Japon. La saveur de son produit évolue selon les « cuvées »: des notes fruitées pour le chocolat à 75% de cacao de 2014, plus intenses pour celui de 2015. « Tout le cacao de la tablette vient d’une seule parcelle de la plantation. Donc la quantité de pluie ou de soleil de l’année influence le goût du chocolat« , explique Alexandre Michelon, représentant de la marque.

Evolution des goûts

Du bout du doigt, il fait défiler des photos de la « ferme » : d’abord la canopée embrumée d’une forêt tropicale, sous laquelle poussent les arbustes de cacao. Puis les cuves d’inox où fermentent les fèves, encore enrobées de leur pulpe blanchâtre, avant de sécher sous le soleil de Bahia. Immortalisée dans les romans de Jorge Amado, la production brésilienne de cacao est la cinquième mondiale et s’exporte à 90%. En revanche, les 780.000 tonnes de chocolat fabriqué au Brésil sont presque toutes dévorées sur place. La plupart des Brésiliens l’aiment au lait, sucré et aromatisé. Un carré bien noir avec 80% de cacao les fait grimacer, mais les goûts évoluent. « Le palais des consommateurs brésiliens évolue lentement. Mais avec la hausse du pouvoir d’achat notamment, ils se tournent vers des produits gourmets comme les vins, le fromage… et le chocolat haut de gamme« , note Caio Tomazelli, de l’association brésilienne de l’industrie du chocolat et du cacao (Abicab).

Concurrencer la Suisse ou la Belgique

La production de chocolats « premium » est encore modeste. En cumulant la multitude de petites marques comme Amma ou Montanhês et les quelques chaînes de boutiques comme Kopenhagen ou Cacao Show, elle atteint environ 7% de la production brésilienne. Mais ces produits haut de gamme gagnent des acheteurs chaque année, alors que les ventes globales de chocolat déclinent dans le pays. D’après l’Abicab, le Brésil possède les ingrédients pour concurrencer un jour la Suisse ou la Belgique. « Nous produisons toutes les matières premières sur notre territoire : le cacao, le sucre de canne et le lait. Nous commençons à maîtriser les technologies et à former des chefs dans nos écoles de gastronomie« , note Caio Tomazelli. Chez Mendoa, qui a financé des emplois médicaux et des écoles dans le village voisin de la plantation, on met l’accent sur le respect des salariés. « C’est un atout du chocolat brésilien par rapport à des pays qui pratiquent encore l’esclavage ou le travail des enfants« , assure Leandro Almeida, le patron de la marque. Grâce à leur succès à l’international, ces pionniers brésiliens espèrent séduire en retour les consommateurs locaux. « Lorsqu’un enfant rêve de chocolat, il doit rêver de forêt tropicale, pas d’une vache dans les montagnes suisses », sourit Rodrigo Aquim, qui vend notamment à Londres et au Portugal. L’exercice reste périlleux. Avec ses 12 tonnes de production annuelle, la branche « chocolat » de l’entreprise familiale, qui est à la base une société de restauration-traiteur, vient seulement d’atteindre l’équilibre, après 7 ans d’activité.
Hélène SEINGIER pour AFP

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