Analyse Pandémie

À Paris, les marchés de plein air reprennent vie, en version « allégée »

12.05.20

« C’est vraiment la version allégée! » Stands plus petits et clairsemés, mais clients et commerçants heureux: les Parisiens ont retrouvé leurs marchés de plein air, et les vendeurs avouent leur soulagement de reprendre une activité, même si certains relèvent une inflation des prix à Rungis.

« Ça fait drôle, de se voir comme ça« , sourit Céline, 36 ans, vendeuse de fruits et légumes du marché de la place des Fêtes, dans le nord de Paris: le masque qu’elle arbore désormais pour se protéger du coronavirus, qui circule encore, change la relation client-commerçant et perturbe quelque peu la « tchatche » des marchés de rue. Mais même ce masque qui cache le bas du visage finit par être récupéré par la gouaille des titis parisiens: « Vous avez de beaux yeux » lance un client à la jeune femme. Céline n’a plus besoin des fortifications de fortune bricolées en urgence sur son stand, avec des cageots, pour tenir les clients à distance au début de l’épidémie de Covid-19. « Ils ont fermé l’allée d’en face, diminué le métrage de tous les commerçants« . Pour permettre de la distanciation.

Ce marché est vraiment une « version allégée, comme le régime allégé« , s’amuse une cliente: Marie-France, 60 ans, qui vient d’acheter des pamplemousses et un navet, regrette un peu le marché « d’avant« , « plus vivant« . Benjamin Bousch, poissonnier de 38 ans, compte sur la joie des habitants du quartier pour contrebalancer les réductions de surfaces. « C’est comme les marins qui retrouvent leur femme après deux mois de mer« , ose-t-il en évidant des rougets, tout à sa joie de « retrouver une activité, revoir les clients« . Beaucoup, comme lui, ont tenté pendant deux mois de « limiter la casse » en livrant des particuliers. Dans le sud de Paris, Didier Marvie, poissonnier sur le marché Convention s’y est lancé à plein temps: « j’ai travaillé comme un fou pour faire des livraisons qui m’ont rapporté au final 20% de mon chiffre d’affaires habituel » explique-t-il à l’AFP.

« Des prix martiens »

Mardi, les réouvertures des marchés, fermés depuis le 24 mars, et les retrouvailles entre clients et commerçants, ont livré quelques vrais moments d’émotion: « notre métier, c’est aussi du lien social, toutes les petites grand-mères du quartier sont venues nous voir ce matin », explique Saïd Bougy, primeur au marché Convention. Mais comme d’autres commerçants, il s’étonne des « prix martiens » de certains fruits et légumes au marché de gros de Rungis où il s’approvisionne. « En deux mois, ce qui a le plus changé ce sont les prix, sur certains produits ils ont pris 70%. Je vendais la barquette de fraises 2,50 euros avant le confinement, et aujourd’hui elle s’achète entre 3,50 et 4 euros à Rungis, j’aimerais qu’on m’explique. » Sa femme, Nathalie Bougy, issue d’une famille de primeurs de l’Essonne qui « tient » le même bout de trottoir parisien depuis 1954, ne s’est pas encore remise de la fermeture du marché imposée du jour au lendemain. « J’ai été écoeurée de me retrouver à devoir faire mes propres courses au supermarché, où les gens touchaient les fruits, les légumes, où tout le monde était entassé, sans distanciation, alors que nous, nous avons été pénalisés. Nous étions pourtant en espace aéré et on avait réussi à mettre en place des mesures de sécurité pour tous« , dit-elle. Décidée à ne plus jamais « se laisser faire« , elle distribue désormais sa toute nouvelle carte de visite à chacun de ses clients. Juste avant de passer ses mains au liquide hydroalcoolique.

Entre chaque transaction. Odette Galipeau, 75 ans, dont plus de 40 près de la place des Fêtes, regrette l’absence d’un stand de la mairie de Paris, avec des masques: « Mme Hidalgo a acheté plein de masques, c’est le moment de les distribuer! » « Ce n’est pas normal que tous les clients ne portent pas de masque« , relève aussi un poissonnier. Tous attendent fébrilement le grand marché de la semaine, dimanche. Ceux qui redémarrent avec peu de produits pour ne pas alourdir leurs charges redoutent qu’il n’y ait pas assez de clients. Les autres craignent qu’il y ait foule et que les autorités décident de nouveau de fermer pour indiscipline sanitaire.

Par Nicolas Gubert et Isabel Malsang

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