Chronique La BnF gourmande

Il était une fois dans l’Ouest : le vignoble californien

28.09.24

La Californie n’exporte pas que des films, des surfers ou des amandes. Elle possède aussi un grand vignoble, constitué depuis deux siècles, et son histoire reflète celle de son peuplement.

Californie. Map of California issued by California-Paris Exposition Commission of 1900. Éditeur : H. S. Crocker (San-Francisco), 1900. Bibliothèque nationale de France, département Cartes et plans, GE B-645

Les expositions universelles sont l’occasion de faire connaître les productions d’un pays ou d’une région. Lors de celle de Paris en 1900, plusieurs cartes de la Californie sont éditées par H. S. Crocker, éditeur à San Francisco. Y sont localisées les ressources minérales (or, pétrole), animales (élevage) et végétales (agrumes, forêts) de cet État américain. Une carte est consacrée au vignoble. La crise du phylloxéra qui sévit alors a relancé l’intérêt pour les productions étrangères.

La Californie fournit alors deux millions d’hectolitres sur 120 000 hectares. Son vignoble a crĂ» dans la seconde moitiĂ© du XIXe siècle mais il est nĂ© au XVIIIe siècle autour des missions franciscaines qui s’égrainent sur la cĂ´te de San Francisco Ă  San Diego. Le cĂ©page mission peut y pousser car, contrairement Ă  la cĂ´te Est, le phylloxĂ©ra est absent et permet la culture de l’espèce Vitis vinifera apportĂ©e par les EuropĂ©ens.

« Mission » (ill. d’Alexis Kreyder). Ampélographie : traité général de viticulture, t. 3. 7 volumes publiés sous la direction de Pierre Viala et Victor Vermorel. Paris, Masson et Cie, 1901-1910. Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, FOL-S-1608 (3)

Ces plantations déclinent quand les missions sont sécularisées en 1833 par l’État mexicain. Au même moment, des Européens commencent à planter des vignes dans la région de Los Angeles. La décennie suivante voit l’annexion par les États-Unis et l’afflux massif de population grâce à la ruée vers l’or en 1848. Débarquent à la fois de nouveaux producteurs et de nouveaux consommateurs. Le Hongrois Agoston Haraszthy importe ainsi des plants de zinfandel provenant de son pays natal pour les planter dans la région de Sonoma, au nord de San Francisco. Charles Krup promeut la culture dans la vallée de la Napa, tandis que des Français s’implantent dans la vallée de Santa Clara.

La production augmente, et la pose d’un chemin de fer transcontinental dans les annĂ©es 1860 ouvre de nouveaux marchĂ©s et permet d’importer de nouveaux pieds de vigne. Malheureusement, un passager clandestin s’y trouve Ă©galement : le phylloxĂ©ra. Il commence ses ravages mais progresse lentement Ă  cause du climat chaud. La sĂ©cheresse l’empĂŞche mĂŞme de gagner le sud de la Californie oĂą les vignes n’ont pas besoin d’être greffĂ©es sur des pieds rĂ©sistant Ă  l’insecte.

Une viticulture de masse croît en lien avec les nombreuses arrivées d’Italiens du Sud qui consomment des vins colorés et alcoolisés. Des cépages très productifs sont plantés en plaine, favorisant le développement de parasites et maladies. Pour y remédier, des cultures sont implantées sur des sites plus chauds comme la Vallée centrale. Dans le même temps, des viticulteurs se tournent vers une meilleure qualité, préférant les coteaux aux plaines, important des plants européens comme le sauvignon.

Les vignobles californiens sont tributaires des conditions climatiques. Il leur faut un juste équilibre entre chaleur et humidité. Le climat méditerranéen est influencé par le courant froid de Californie venant du Nord et qui amène des brumes côtières. Les vallées donnant sur la mer profitent de l’air marin.

La rĂ©partition de la vigne en 1900 ressemble Ă  celle prĂ©sente actuellement, mais le vignoble va encore connaĂ®tre plusieurs bouleversements au XXe siècle. Le premier est la Prohibition qui aura pour effet un changement des goĂ»ts des consommateurs : les vins forts et très sucrĂ©s remplacent les vins secs et demi-secs. Des cĂ©pages producteurs sont prĂ©fĂ©rĂ©s Ă  des cĂ©pages de qualitĂ©, et de nombreuses exploitations dĂ©clinent. Il faut attendre les annĂ©es 1960 pour voir un retournement de la tendance : de nouveaux producteurs s’installent avec pour objectif une meilleure qualitĂ©, aidĂ©s par les recherches menĂ©es dans les universitĂ©s californiennes. Dans les annĂ©es 1970, les surfaces cultivĂ©es doublent malgrĂ© la pression urbaine. Une reconnaissance internationale se fait jour autour d’évĂ©nements comme le fameux jugement de Paris en 1976. La Californie est devenue un grand pays du vin, exportĂ© dans le monde entier.

Partagez moi !

Vous pourriez aussi être intéressé par

Chronique Au menu

Lettre d’info n°13 – Le temps des sucres

03.05.24
Le temps des sucres ou saison des sucres dure de 4 à 6 semaines de la mi-mars à la fin avril. Un temps éclair et pourtant fondateur de la culture Québécoise qui correspond à la mise en exploitation des...

Chronique

Lettre d’info n°10 – Qu’est-ce qu’on mange?

26.02.24
Qu'est-ce qu'on mange? Au menu cette semaine : des légumineuses, du boeuf bourguignon. Le tout arrosé d'agroécologie et d'un documentaire qui donne du croquant à tout cela.

Chronique

Lettre d’info n°11 – On se met au vert?

21.03.24
Le printemps pointe son nez. Il est enthousiasmant, ce cycle perpétuel, cette mutation vers le renouveau. Tout bourgeonne et se couvre de nuances de vert, cette couleur que l'oeil humain arrive à capter dans toute ses nuances.