Culture food À lire (ou pas)

Faut-il arrêter de manger de la viande ?

09.10.14

Saluons d’abord la collection intitulée « Le choc des idées » qui a le mérite de passer à travers les gouttes de la vulgarisation à tout va qui amène fatalement à la simplification, et du livre pour semi-professionnel vite ennuyeux.

Ici, le schéma est simple : on pose une question, on introduit son sujet, on fait ensuite parler un représentant du pour et un représentant du contre à pagination égale, ils ont ensuite un droit de réponse et on passe à la conclusion, le tout en 125 pages chrono. Le passage de ce qui ressemble furieusement à un conducteur d’un bon talk show de télévision à une version livre semble un peu téméraire sur le papier, mais ça marche. Largement d’ailleurs grâce à ce « médiateur » chargé de l’introduction et de la conclusion, ici Eric Birlouez, parfait dans le rôle.

« Faut-il arrêter de manger de la viande ? » est évidemment une question dont on connaît par avance la difficulté d’une réponse positive par la simple conséquence d’appartenance à un groupe ultra minoritaire. En 2012, 90% des français mangeaient de la viande, et pas qu’un peu : 3,4 fois par semaine. Etre dans les 10% végétariens représente évidemment un combat difficile pour une première raison d’ailleurs jamais invoquée par René Laporte, le défendeur du « non », c’est que nombre de carnivores aiment la viande d’abord pour ses goûts, les sauces qu’elle permet de faire, bref, le plaisir qu’elle procure.

Ce qu’a bien compris Elodie Vieille Blanchard, la défenseuse du «oui », en croyant bon d’ouvrir un chapitre de son argumentaire intitulé « L’alimentation végétale : un choix sain et délicieux », se défendant par avance de la monotonie gustative de la cuisine végétarienne jusqu’à s’obliger à citer le nom d’un restaurant parisien. Admettons que ce point soit un peu accessoire au regard d’arguments bien plus impactants pour la planète. Il montre néanmoins un point que ne manque pas de noter René Laporte dans son droit de réponse : les végétariens, et encore plus les végétaliens, parlent beaucoup à la première personne, plutôt dans le cadre d’un engagement personnel et de la microéconomie que dans une vision planétaire, en tous cas pour ce qui concerne Elodie Vieille Blanchard, Présidente de l’Association végétarienne de France.

Globalement, la construction de l’argumentaire de celle-ci s’avère beaucoup plus faible que celle de son contradicteur dès que la politique et l’international s’invitent au débat. Ajoutons que la bataille de chiffres est parfois très pénible quand elle ne décrédibilise pas totalement toute idée de possible débat. Ainsi René Laporte affirme-t-il dans un paragraphe consacré au bien-être des animaux que depuis 2009 « les normes de densité pour les volailles ont été relevées et, aujourd’hui, 40% des poulets ont accès à un parcours extérieur » quand Elodie Vieille Blanchard affirme quelques pages plus loin que « 82% des 700 millions de poulets de chair produits annuellement dans notre pays sont élevés sans accès à l’extérieur. » On a beau se dire qu’un différentiel du double ça doit être la différence de source, selon la police ou selon les manifestants, ça n’aide pas à la clarification du débat.

Et des chiffres, il y en a beaucoup qui servent de preuves et qui fondent de nombreux raisonnements. Si le lecteur devient suspicieux sur le descriptif du réel, la lecture de l’ouvrage s’étiole. Eric Birlouez ne dit d’ailleurs pas autre chose dans sa conclusion : « Il serait donc essentiel d’établir et de s’accorder sur une méthodologie précise afin de limiter querelles de chiffres et contestations stériles. »

Enfin, même si l’argumentaire de René Laporte est plus efficace, il semble difficile de le suivre sur au moins un point : sa mauvaise foi patente quand il s’agit du bien être des animaux dans l’industrie agroalimentaires. Sans doute ne s’est-il pas beaucoup promené dans certaines porcheries bretonnes ou à la Ferme des 40 000 vaches dans la banlieue de Chicago, mais on ne peut le suivre sur ce terrain là où la marge de progression en France et en Europe est énorme.

Reste au final que ce livre est à lire. Court, efficace, il ne prétend pas répondre à la question mais simplement donner l’état des forces en présence et, hormis les chiffres, c’est très réussi et doit normalement donner au lecteur l’envie d’aller plus loin.


Faut-il arrêter de manger de la viande ?
Contradicteurs : René Laporte / Elodie Vieille Blanchard
Médiateur : Eric Birlouez
Editions Le Muscadier
Date de parution : 15 février 2014
Nombre de page : 128 pages
Prix indicatif : 9,90€

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