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Le formidable projet du « Louvre de la vigne »

21.01.16

Après des années d’atermoiements et de polémiques, le « Louvre de la vigne » a enfin trouvé son terroir dans l’Aude, où va être transférée la plus grande collection viticole au monde, pour préserver le passé mais aussi préparer l’avenir.

Au pied de la falaise de calcaire blanc, dominée par une impressionnante vigie anti-incendie, la pinède et la garrigue s’étalent sur des centaines d’hectares de terres arides, où seule la rocaille émerge de l’argile desséché. Au bout de la vallée, le sable apparaît, puis la mer Méditerranée. C’est ici, sur 16 ha de terrain à Gruissan (Aude), que va être recréée la banque génétique mondiale de la vigne: 7.500 « accessions » (cépages, vignes sauvages, nouvelles créations…), provenant de 54 pays, seront transférés de la célèbre collection de Vassal, située à Marseillan-Plage, dans l’Hérault. Des plants ancestraux tombés dans l’oubli ou presque, comme l’oeillade, le verdabel, le chatus; des ceps exotiques comme les mavrud ou melnik bulgares; des pieds classiques, comme l’éternel cabernet mais aussi des créations, comme celles résistant aux maladies…

Cela représente « environ la moitié des variétés existantes » dans le monde, précise Thierry Lacombe, ingénieur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Montpellier. Baptisée le « Louvre de la vigne », la collection avait été créée en 1949 sur le domaine de Vassal, un cordon littoral choisi pour ses sables, barrière naturelle au phylloxéra, qui a décimé la vigne française à la fin du XIXe siècle. Cette banque de données s’enrichit « d’environ 80 nouvelles accessions par an, depuis la France et l’étranger », ajoute M. Lacombe, animateur scientifique de la collection de Vassal. « Cela fonctionne comme la Bibliothèque de France: chacun y dépose son cépage, mais de manière volontaire », déclare à l’AFP Hernan Ojeda, directeur des Unités expérimentales de l’Inra à Pech Rouge (Gruissan) et Vassal. Mais ce trésor génétique était menacé. « Vassal n’est qu’à un mètre au-dessus de la mer: la montée des eaux, due au réchauffement climatique, peut nous submerger », observe le responsable. « De plus, Vassal n’appartient pas à l’Inra mais au Conservatoire du littoral qui veut un retour à la nature du site », poursuit-il.

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Un trésor génétique
Il a donc été décidé de transférer Vassal au site de l’Inra, à Pech Rouge, qui « couvre 163 hectares et offre des terres à 30 mètres au-dessus de la mer », explique le directeur. Mais le projet de déménagement, à l’étude depuis les années 2000, s’est heurté à de multiples obstacles: une pétition a réuni des milliers de signatures pour dénoncer les risques de dégradation de la collection lors du transfert, et un contentieux judiciaire a opposé l’Inra à l’ancien propriétaire, Listel, qui a finalement cédé Vassal au Conservatoire du littoral.

Le projet vient d’être bouclé en fin d’année dernière: il a été inclus au Contrat de plan Etat-Région 2015-2020 et un premier chèque de 750.000 euros a été signé, sur un coût total de « deux à trois millions d’euros », dit à l’AFP Laurent Bruckler, président du centre Inra de Montpellier. L’Institut apporte un tiers du financement, la région un autre, la Communauté d’agglomération du Grand Narbonne et le Conseil départemental de l’Aude le dernier. La commune de Gruissan échange quant à elle une parcelle de 10 ha. « Cette année, sera effectuée l’étude d’impact environnementale puis le terrain sera défriché en 2017 avant le début des plantations en avril 2018. L’ensemble sera planté d’ici à 2023 », selon M. Ojeda.

Ce conservatoire viticole vise à préserver les cépages de la destruction, mais pas seulement. « C’est un lieu vivant qui va devenir notre source » pour de nombreuses recherches, en particulier sur le réchauffement climatique, souligne son directeur. Dans ce trésor génétique a ainsi été identifiée une création variétale qui y sommeillait depuis les années 1970 et dont les raisins sont « naturellement mûrs à 10 degrés, contre 14 normalement ». De quoi enrayer la hausse du taux d’alcool subie par la vigne en raison du réchauffement climatique, explique Jean-Louis Escudier, chercheur à l’Inra de Gruissan. « On ne sait jamais longtemps à l’avance à quoi peut servir une collection. Dans 20 ans, on aura peut-être besoin de tel ou tel cépage », résume-t-il.

Par Loïc VENNIN / Photo de Une Jean-Luc Bardin

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