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En Grande-Bretagne, 5000 livreurs de lait font de la résistance

31.03.16

Jadis figure familière, le livreur de lait lutte à présent pour rester dans le paysage britannique, faisant de la résistance face à la prolifération des supermarchés et au commerce en ligne. Quelque 5.000 laitiers arpentent encore les rues du pays et réussissent à donner une nouvelle vie à leur métier menacé, en variant les produits qu’ils distribuent, en répondant aux commandes en ligne et en misant sur le contact humain.

« Ça nous a donné un sacré coup de jeune et on est entrés dans le XXIe siècle« , explique Neil Garner, 57 ans, désigné « Laitier de l’année » par les clients de Milk and More, principale société de livraison à domicile. Neil livre du lait depuis 1994. « De nos jours, on fait moins de maisons dans chaque rue. Mais nous vendons aussi des tas d’autres choses« , dit-il à l’AFP. Au thé en sachets, pain, beurre, oeufs et bacon du petit déjeuner s’ajoutent des conserves, jus de canneberge, aliments pour chats et chiens, pommes de terre, rouleaux de papier toilette voire même graines pour oiseaux et compost.

En 1980, 89% du lait consommé en Grande-Bretagne était livré à domicile, selon Dairy UK, qui regroupe les fournisseurs du secteur. Mais les ventes ont plongé de 68% à 30% au cours des années 90, en lien avec le boom des grandes surfaces. Et en 2015, seulement 2,8% du lait était encore livré à domicile, soit 154 millions de litres, par quelque 5.000 laitières et laitiers dans environ 2,5 millions de foyers.

Neil Garner fait sa tournée nocturne six jours par semaine à St Albans, petite ville dortoir au nord-ouest de Londres. Au dépôt voisin de Watford, vers 02h00, les laitiers chargent leurs casiers contenant chacun 20 bouteilles d’une pinte (soit un peu plus d’un demi-litre) avant de se lancer dans la nuit froide. La camionnette électrique de Neil est lente et ouverte à tous les vents, ce qui facilite les 200 à 250 livraisons qu’il effectue. « Neige, verglas, inondations… en vingt-deux ans, le mauvais temps ne m’a jamais arrêté », s’enorgueillit-il.

Livraison dans le noir

Les premières livraisons se font dans le noir complet et Neil a besoin d’une lampe électrique pour trouver son chemin à travers les jardins. « C’est le meilleur moment de la journée, l’air est frais et pur, il n’y a pas de circulation« , raconte-t-il. Sa tournée l’emmène sur de petites routes de campagne, le long d’avenues urbaines, de rues étroites, et jusqu’à des appartements. Il livre aux particuliers, aux écoles, aux riches comme aux pauvres. Certains clients âgés laissent encore des instructions sur papier roulé dans une bouteille vide mais la majorité commandent en ligne.

Le prix de la pinte livrée est de 81 pence (1,03 euro), contre 50 pence au supermarché (63,5 cents). « C’est la seule chose que vous puissiez commander en ligne à 21H00 et recevoir quelques heures plus tard« , souligne Neil. Les clients peuvent aussi commander par téléphone via un centre d’appel aux Philippines. « Le secret, c’est la ponctualité. Les gens savent que leur lait sera là tous les matins à la même heure« , souligne Neil Garner. Pour cela, il a des repères : un break Morris Minor 1000 d’un autre âge passe au même endroit tous les jours à la même heure, et il croise chaque matin le même homme à vélo. « Je suis en avance?« , demande Neil. « D’une minute« , répond le cycliste avant de repartir.

La dernière livraison est à 07H30. Puis retour à l’entrepôt pour décharger les bouteilles vides. Pour Neil, les laitiers sont une race à part. « Vous devez avoir la bonne attitude. Vous ne pouvez pas débarquer en faisant la gueule », dit-il. « Je me sens partie intégrante de la communauté. Les personnes âgées aiment bien tailler une bavette et je fais des petites choses pour eux, comme changer les ampoules. Souvent, je dois être la seule personne qu’ils voient de la semaine. » Et de conclure : « On respecte le laitier, les gens vous considèrent comme un ami. On fait partie des traditions de ce pays et les gens ne veulent pas les perdre. »

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