Portrait À lire (ou pas)

Michel Troisgros, la cuisine en pensant

08.11.17

Un livre de chef. On entend déjà la petite musique : « Un de plus ! ». On imagine également aisément la cohorte de non-lecteurs, ceux qui ne supportent pas les égos surdimensionnés, ceux qui considèrent que la gastronomie triple étoilée ne sera jamais pour eux, auxquels s’ajouteront tous les blasés. Ceux-là n’auront malheureusement pas l’occasion de découvrir ce petit bijoux atypique, ô combien précis et précieux autour de la personnalité de Michel Troisgros.

Rassurez-vous. Quand bien même vous n’entendez rien à la gastronomie, que les derniers étoilés débusqués par le guide Michelin ou ultra notés par Gault et Millau suscitent chez vous une indifférence et un ennui  incommensurables, la lecture de cette subtile interview mise en scène par le génial illustrateur Pascal Lemaître est pour vous. Bien sûr, il vous faudra quand même vous intéresser à un thème majeur : qu’est-ce que créer en cuisine ? À moins que vous ne soyez titillé par la question de la transmission. Rien de tout ça ? Voyons voir. Vous aimez les mots ? Les phrases bien (en)roulées qui font sens à chaque point virgule ? La musique de la pensée qui chemine à la manière de Michel Troisgros, sa famille et ses équipes quittant la Maison mère de Roanne un soir du 31 décembre dernier pour monter dans leur nouvelle antre rurale des Ouches ? Allez, n’hésitez plus, offrez vous ce livre de cuisinier sans toque démesurée qui ne fait que déshabiller avec pudeur sa sensibilité à fleur de peau, sans fioritures et sans fleurs pour la déco, c’est pas le genre de la Maison.

Oui d’accord, mais il s’agit quand même de préoccupations de cuisiniers. Oui, mais non. Il s’agit avant tout d’un homme dans la nature qui essaye d’en attraper les fruits, de saisir le sens des rapports qu’il entretient avec elle et qui fait cause commune dans sa quête avec les artistes plasticiens qu’il aime, voire qu’il collectionne. Au fond, le propos pourrait simplement se résumer par le chêne majestueux qui trône désormais au milieu du restaurant en dessous duquel les nourritures terrestres ont une occasion unique d’atteindre leurs sœurs célestes. Michel Troisgros ne s’étend pas, ne la ramène pas face à cette force de la nature qui lui dicte son ordonnancement. Pourrait-on dire que « La joie de créer » est aussi un livre de philosophie ? On va.

Ajoutons enfin que notre confrère Denis Lafay, grande figure lyonnaise du journalisme économique, sait lui aussi tout donner à son client pour que le dialogue devienne une fête des idées.

Photo : Marie-Pierre Morel

Michel Troisgros / La joie de créer / 
Dialogue avec Denis Lafay illustré par Pascal Lemaître
Éditions de l’Aube 20€

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