Hospitalité Carnet de route

La boucherie de Verdun

01.09.14

Dans notre tour de France, on ne pouvait pas passer à côté du centenaire de la Grande Guerre. On est donc allé à Verdun. Mais avant d’aller sur les champs de bataille, on a fait quelques courses. A côté d’un supermarché se trouvait la charcuterie Fay. On y est entré pour prendre des pâtés lorrains qu’on dégusterait « là-haut ».

Mr Fay, le boucher, était jovial et aimait parler. On a décidé de le retrouver le lendemain pour en savoir plus sur la boucherie. Puis on a marché jusqu’à Douaumont. Le plus saisissant était Fleury-devant-Douaumont, un village détruit en 1916 sous les bombardements. Le sol y était tout bosselé, accidenté, creusé. C’était donc ça le résultat de dix obus au mètre carré. On a visité l’ossuaire, la tranchée des baïonnettes et le fort de Douaumont puis face à l’absurdité de la guerre on a mangé nos pâtés lorrains.

Après une nuit chez Jean-Paul (qui nous a fait une tartiflette), on est retourné voir Monsieur Fay. Il est arrivé ici il y a une vingtaine d’années et sur Verdun, alors, ils étaient une quinzaine de bouchers. Aujourd’hui, ils sont trois. Lui, est l’un des plus importants. Selon Mr Fay, l’alimentation a changé. Les gens n’ont plus le temps, à midi ils mangent sur le pouce, un sandwich ou un kebab. « On ne fait plus beaucoup à manger, on va de moins en moins au resto. Sauf les jeunes », nous dit-il. « La génération des 25-30 ans font la cuisine, peut-être même plus que leurs grands-parents. Mais bon, les gens ont moins d’argent, ils dépensent moins qu’avant et ça se sent. » Comme il faut s’adapter à la consommation, il s’occupe de buffets et de mariages comme traiteur. « Pour un commerce, il faut d’abord se faire un nom, puis c’est dans les cinq ans que l’affaire tient ou non » poursuit-il. Lui, ça fait un moment qu’il est là, il s’est fait une place. Mais rien n’est jamais acquis. La clientèle il faut la garder, et pour la garder, il faut de la qualité. On n’a pas droit à l’erreur, il faut toujours être au top. Mr Fay, je l’aime bien parce qu’il est franc et qu’il est de l’ancienne école.

Il a commencé à travailler à 13 ans. Son père était éleveur et sa mère travaillait dans la restauration. C’était « avant », au moment où l’on tuait la bête soi-même. Il a commencé en tant que tueur. Puis il a fait du marketing et de la vente, ouvert une boucherie, puis plusieurs et finalement s’est installé ici, à côté du supermarché. Les abattoirs ont changé, on peut à présent en distinguer trois sortes : le familial, l’industriel, la boucherie. On ne mélange pas, ce sont trois choses bien différentes. Dans l’industriel, on ne tue que de la vache, des jeunes bovins, pour la consommation des grandes surfaces. On trouve très peu de particuliers qui tuent leurs bêtes et lui, bien entendu, fait partie de la catégorie boucherie. Il se fournit en Meuse, uniquement, avec des éleveurs du coin. C’est un groupement de bouchers dont l’abattoir se situe du côté de Mirecourt. En parlant des boucheries halal et kacher, il nous dit que c’est meilleur car en égorgeant la bête, on la laisse se vider de son sang.

Lorsqu’on lui demande si la boucherie va évoluer, Mr Fay est sceptique. L’apprentissage a beaucoup baissé en boucherie et aujourd’hui les grandes surfaces prennent le pas sur les petits commerces. Mais les contraintes pour les bouchers sont trop importantes et il y a trop de procédure et de réglementation pour avoir des apprentis. Or les apprentis, c’est l’avenir de la boucherie, pour relancer le métier. Avant, il en prenait toujours mais maintenant c’est fini. Il faut respecter tout un tas de normes, vraiment trop contraignantes. Du coup, les gens préfèrent ne pas prendre de risques. De son temps, lorsqu’il était apprenti, c’était 80 heures par semaine et on commençait encore plus tôt le matin, à 14 ans. Il reconnait que c’est un chouia trop, mais les apprentis ne peuvent pas travailler le samedi maintenant. Alors comment faire? Le samedi, c’est LA journée. Et puis, les investissements peuvent être lourds aussi. Les vitrines dont il dispose coûtent dans les 150 000 €. Son fils reprendra surement la firme familiale. Meilleur apprenti boucher de France, il en a déjà la fibre.

Mr Fay nous a souhaité un bon voyage, très gentiment, et on est sortis sur le parking.

Boucherie Fay
82 Rue Pierre Demathieu
55100 Verdun

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