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Lille: prison ferme requise contre deux activistes antispécistes
Le parquet de Lille a requis mardi dix et six mois de prison ferme à l’encontre de deux activistes antispécistes poursuivis pour avoir dégradé ou incendié des boucheries, restaurants ou commerces des Hauts-de-France cet hiver.
Il a également requis contre eux huit et neuf mois de prison avec sursis, assortis de mise à l’épreuve pendant trois ans, ainsi que cinq et six mois de prison avec sursis avec mise à l’épreuve pour deux autres prévenues: une femme accusée de complicité dans plusieurs des faits reprochés et une autre soupçonnée d’avoir participé à l’un des faits.
Dans ce procès présenté par les avocats comme le premier du genre, Cyrile, médiateur social âgé de 23 ans, et Mathilde, auxiliaire de puériculture de 29 ans, tous deux en couple, étaient poursuivis pour avoir préparé et commis une quinzaine de faits au total, dont des tags, bris de vitrines et plusieurs dégradations par incendie à l’aide de bidons d’essence ou de cocktails Molotov, dans des communes du Nord et du Pas-de-Calais, particulièrement dans la métropole lilloise, entre novembre et début février. Appelés à la barre, tous deux ont reconnu la plupart des faits, assurant avoir participé à des expéditions nocturnes en voiture pendant lesquelles ils brisaient les vitrines à l’aide de pavés, de pierres ou d’un marteau, peinturaient ou taguaient les devantures de ces entreprises associées au commerce de viande ou de fourrure avec des expressions comme « Stop spécisme » ou « Assassins ».
Ils ont également reconnu avoir provoqué des départs d’incendie, notamment dans un Burger King et deux restaurants de Marcq-en-Baroeul et Roubaix, Mathilde assurant toutefois ne pas avoir été présente lors de l’un de ces faits. Selon l’enquête, ils revenaient parfois sur des lieux déjà dégradés auparavant, écrivant dans certains cas sur la devanture un « T’as compris ? », associé au nom de l’entreprise. « Je voulais faire entendre et rendre visible le combat antispéciste et, à aucun moment, il n’y a eu de volonté d’atteinte à l’intégrité de personnes (…) Pour nous, il s’agissait de dégradations uniquement matérielles« , a déclaré Mathilde, assurant qu’elle n’avait « pas vraiment pris conscience » sur le moment de la gravité des faits.
« Pas le procès de l’antispécisme » mais de « délinquants »
« Cela fait longtemps que je milite et je me sentais incomprise » et pas suffisamment entendue, a-t-elle encore expliqué, mais aujourd’hui « je regrette sincèrement (…) ce mode d’action, je ne veux plus y participer« . « L’idée venait de moi« , a assuré Cyrile, évoquant l’une des tentatives d’incendie et plusieurs autres faits. « Mais on prenait quelques précautions » pour être sûrs de « ne blesser personne« . « Je croyais que cela suffisait« , a-t-il dit, assurant « regretter profondément tout ce qui s’est passé« . Ils ont tous deux affirmé ne pas avoir « réellement prémédité » le déroulement des événements et avoir « un peu improvisé« .
Leurs profils sont atypiques: alors que Mathilde était en période d’essai dans une crèche et Cyrile en service civique, aucun n’a jamais été condamné en justice. La troisième prévenue, Johanna, 40 ans, colocataire de Cyrile et soupçonnée notamment d’avoir fourni des bidons d’essence et fumigènes et préparé des itinéraires, avait rencontré Mathilde au cours de « manifestations et actions pacifistes« . Atteinte d’une maladie chronique, elle refuse de se soigner avec des médicaments testés sur les animaux. « Je reconnais les faits et regrette (…) mais ne peux pas m’empêcher de penser à tous ces animaux qui meurent » ou « sont torturés dans les abattoirs« , a-t-elle justifié.
Eva, la dernière prévenue, a nié le fait reproché mais s’est dite « totalement solidaire » du combat « et des modes d’action » de ses amis. « Aujourd’hui, ce n’est pas le procès du spécisme ou de l’antispécisme (…) C’est le procès de délinquants » qui ont commis « des faits graves« , notamment « par leur nombre et leur réitération« , a déclaré le procureur Eric Fouard, notant « la préméditation » mais aussi une « escalade » et une « progression dans les actes« . Le jugement a été mis en délibéré au 8 avril.
Par Elia Vaissiere pour AFP
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