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Le point sur l’embargo russe et ses conséquences

07.08.14

La Russie va se priver de nombreux produits frais en suspendant ses importations agroalimentaires en provenance d’Europe et d’Amérique du nord, mais ces sanctions, imposées pour un an, risquent d’engorger l’espace communautaire qui perd un débouché important.

Avec l’Ukraine (avant la crise) et le Brésil, l’Allemagne et les Pays-Bas figuraient en 2013 parmi les principaux fournisseurs de la Russie, qui importe 35% de sa consommation alimentaire. Ce pays absorbe ainsi 10% des exportations agricoles et agroalimentaires de l’UE, pour un montant de 12 milliards d’euros par an, selon Eurostat. « La Russie, exportatrice de céréales mais fortement importatrice de légumes et fruits et de produits transformés tels la viande, les produits laitiers« , a rappelé Xavier Beulin, patron du principal syndicat agricole, la FNSEA.

Fruits frais, fromages, porcs … représentent à chaque fois un volume d’affaires d’un milliard d’euros environ. Ce sont avec les légumes (770 millions) les marchandises qui manquent le plus aux tables russes et constituent les principales importations alimentaires d’Europe avec les vins et spiritueux (1,5 milliard euros). Les pommes, les tomates et les pêches en particulier sont achetées chez les Européens qui traversent justement une grave crise cette saison, en raison d’une production abondante. D’où un double effet probable, craint M. Beulin: « la Russie se ferme aux importations, mais les produits qui n’iront plus à l’exportation vont se rabattre sur les pays européens et créer une situation de crise« , craint-il.

Selon le président de la fédération des producteurs de fruits français (FNPF), Luc Barbier, les « Espagnols exportaient (en 2012) environ 100.000 tonnes de fruits vers l’Ukraine et la Russie: autant de quantités qui vont se rabattre sur le marché communautaire« . Italie, Espagne et France connaissent déjà une guerre de la pêche nectarine avec des prix effondrés et « la catastrophe » se profile avec la pomme, annonce-t-il. Les Français ont expédié pour près de 26 millions d’euros de fruits en Russie en 2012, selon M. Barbier. « Mais cette année, la Pologne qui exportait beaucoup vers la Russie attend une récolte abondante qui va naturellement se reporter sur le marché intérieur » de l’UE: selon la WAPA, l’association mondiale des producteurs de pommes et de poires, la Pologne est de loin le plus gros producteur de pommes de l’Union (3,5 millions de tonnes attendues cette année). Paris a expédié l’an passé 1,17 milliard d’euros de produits agro-alimentaires vers la Russie, dont 450 millions en boissons alcoolisées.

Le saumon norvégien boit la tasse
Le premier dévissage sérieux jeudi est cependant venu de Norvège, où les éleveurs de saumon, Marine Harvest en tête, ont vu leurs actions dégringoler de 7 à 8% à la Bourse d’Oslo. La Norvège n’est pas membre de l’UE mais avait souhaité se joindre aux sanctions contre Moscou. Or, la Russie, principal débouché pour ses produits halieutiques, avait acheté près de 380 millions d’euros depuis janvier. En viande bovine, le premier fournisseur de la Russie reste de loin le Brésil, devant les autres pays d’Amérique Latine et l’Amérique du Nord (soumise aussi aux sanctions). La contribution de l’UE quant à elle était déjà en net recul depuis 2013 (moins de 50.000 tonnes équivalent carcasse contre 100.000 en 2011 selon l’Institut de l’élevage), en raison de restrictions sanitaires souvent comprises comme des « prétextes politiques », relève Guy Hermouet, vice-président de la Fédération nationale bovine chargé de l’exportation.

Ce sont principalement la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne qui auront à pâtir de ce coup de frein juge-t-il. Avec le risque de voir se déverser leurs invendus sur le marché européen, détériorant encore le revenu des éleveurs. Pour les Etats-Unis, qui exportent relativement peu de denrées vers la Russie (moins de 1% de toutes leurs exportations agricoles), ce sont surtout les poulets qui sont visés (310 millions de dollars en 2013), avec les noix (172 M USD), le soja (157 M USD) et le bétail (149 M USD), selon le ministère de l’agriculture.

Les producteurs espèrent désormais voir l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et Bruxelles se saisir du dossier. Un voeu qui semble avoir été écouté : l’Union européenne envisage de saisir l’OMC au sujet de l’embargo imposé par la Russie sur de nombreux produits agroalimentaires en provenance d’Europe, a indiqué jeudi à l’AFP l’ambassadeur de l’UE à Moscou Vygauda Usackas. La fédération des agriculteurs allemands, déjà fortement pénalisés par l’embargo sur le cochon décrété en avril (au prétexte de cas de fièvre porcine chez des sangliers) a appelé Berlin et la commission européenne à « poursuivre leurs efforts » en direction de nouveaux marchés.

En France, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a indiqué que des « contacts étaient en cours pour porter une position coordonnée avec l’Allemagne et la Pologne« . Il s’est également « entretenu avec le commissaire européen Dacian Ciolos pour lui demander d’évaluer l’impact » de l’embargo sur les Etats-membres, rapportent ses services. Selon un institut de recherche britannique, Capital Economics, cet impact reste « extrêmement incertain, mais il semble que le principal perdant doive être la Russie elle-même« , estime-t-il. « A l’exception notable de la Lituanie durement frappée: ses exportations de produits interdits vers la Russie représentant 2,5% son PIB« .

Paris, 7 août 2014 (AFP) – Anne CHAON

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