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Face à l’embargo alimentaire russe, les importateurs cherchent des issues
Dans un supermarché de Moscou, les yaourts sont empilés, disponibles à profusion au rayon laitier, bien loin des images d’étagères vides visibles dans plusieurs commerces de la capitale après l’annonce de l’embargo alimentaire russe. A un détail près: deux yaourts sur trois affichent une date de péremption depuis longtemps dépassée.
« Notre manager nous a demandé de ne laisser aucune étagère vide. Mais nous ne recevons plus de yaourts européens ni américains, alors on est obligés de tricher« , explique Kristina, responsable du rayon. « Si un client achète un yaourt périmé, on le prévient à la caisse et il retourne en chercher un frais« , assure-t-elle cependant. Depuis la mise en place début août d’un embargo alimentaire par Moscou sur les produits de pays ayant sanctionné la Russie pour son rôle dans le conflit ukrainien, le panier de courses des Russes a ostensiblement changé, assure Veronika, une consommatrice de 40 ans. Les fromages français qu’elle affectionnait ont ainsi disparu au profit de marques russes. « Je suis habituée maintenant et je suis contente d’acheter local car j’aide mon pays« , estime-t-elle pourtant.
Réorientation du marché
Pour Pavel Chinsky, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe, « les sanctions révèlent surtout un état d’esprit: la Russie veut montrer qu’elle se suffit à elle-même, qu’elle n’a pas besoin de l’Europe. » Conséquence: « L’impact est maximal pour les entreprises étrangères qui n’ont pas localisé leur production en Russie« , observe-t-il. Plusieurs d’entre elles ont dû quitter de facto le marché russe dès l’entrée en vigueur de l’embargo, à l’instar du français Bongrain, dont les fromages ont été interdits, ou de son compatriote Rougié, qui fournissait les grandes tables russes en foie gras, désormais banni.
D’autres, comme le russe La Marée, premier importateur de poissons et de fruits de mer à destination de la Russie, ont réussi à limiter la casse en remplaçant leurs producteurs européens et américains par leurs homologues sud-américains et asiatiques. « Comme nous travaillons avec 25 pays, nous avons pu nous réorienter très rapidement pour combler le manque créé par l’embargo« , souligne Azamat Youssoupov, directeur exécutif de La Marée.
Ainsi, les huîtres françaises, importées à hauteur de 10 tonnes par semaine avant l’embargo, ont notamment été remplacées par des huîtres de Vladivostok et Sakhaline, en Extrême-Orient russe. Et le fameux crabe de Kamtchatka, jusque-là acheté en Norvège, est redevenu l’apanage de producteurs locaux. « Mais nous observons une hausse des prix indéniable car la réorientation du marché demande une nouvelle logistique et des coûts de transports plus élevés« , explique M. Youssoupov, ajoutant que la faiblesse du rouble face au dollar jouait aussi sur les prix.
Une concurrence plus saine ?
Autre difficulté: la capacité d’approvisionnement des nouveaux producteurs, pas toujours à la hauteur des besoins des entreprises. De plus, ce changement de stratégie peut s’accompagner d’une perte de qualité des produits, ce que redoute de nombreux entrepreneurs. « A cause de l’embargo, nous sommes obligés d’opter pour une moindre qualité. Or notre entreprise promeut la culture française, et cette baisse de qualité ne correspond pas à l’image de la France que nous souhaitions véhiculer« , s’inquiète ainsi Hervé Michel, dont la société Mlle Kashtan est spécialisée dans la vente de châtaignes en Russie.
Mais pour M. Youssoupov, si les conséquences de l’embargo sont négatives à court terme, elles pourraient s’avérer positives d’ici un an, date à laquelle il doit être abrogé. « A la fin de l’embargo, tous nos anciens producteurs seront de retour sur le marché, tandis que la production russe aura gagné en qualité. Cela va mener à une concurrence saine, à un choix plus large pour le consommateur« , estime-t-il.
Moscou, 23 sept 2014 (AFP) – Anais LLOBET – all/lap/cgu
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