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Sur les traces d’Antonin Carême

26.06.25

Antonin Carême est depuis quelques semaines le héros d’une série à gros budget diffusée sur une plateforme. S’il est moins rocambolesque que ne le suggère cette fiction, son parcours est bel et bien extraordinaire. La Bibliothèque nationale de France vous propose de découvrir le destin, ainsi que l’œuvre écrite, d’un chef exceptionnel à plus d’un titre.

Portrait de Carême, dans Marie-Antoine Carême, Le Pâtissier national parisien, ou Traité élémentaire et pratique de la pâtisserie ancienne et moderne, tome 1, nouvelle édition, revue et corrigée. Paris, Garnier Frères, 1879. Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-V-2823 (1)

L’ascension de Marie-Antoine Carême, dit Antonin Carême (1783-1833) est fulgurante : issu d’une famille démunie, il débute comme simple apprenti-marmiton vers l’âge de 12 ans. En 1800-1801, il rejoint la boutique de l’un des plus prestigieux pâtissiers de Paris, Bailly, rue Vivienne, dont les pièces de pastillage en sucre le fascinent. Fournisseur des plus grandes maisons, notamment celle de Talleyrand, Bailly est impressionné par le talent et la passion du jeune homme. Dès qu’il en a l’occasion, Carême file à la toute proche Bibliothèque pour étudier les planches d’architecture du Cabinet des Estampes. Il y puisera l’inspiration pour de spectaculaires réalisations : « ruine d’Athènes », « cascade égyptienne » ou « pavillon chinois ». Dans toutes ses créations, il recherche l’élégance et l’harmonie des proportions et des couleurs (pas plus de trois, « tendres dans leurs nuances »).

En parallèle de son travail en boutique, Carême multiplie les « extraordinaires » auprès des élites fortunées, organisant des dîners d’exception. Le succès l’amène bientôt à devenir son propre maître. En 1804, à 21 ans, il réalise un « extra » pour le ministère des Affaires extérieures et se met au service de Talleyrand, qui perçoit le potentiel diplomatique de sa gastronomie. Lors du congrès de Vienne (1814-1815), où se négocie la paix, il constitue un atout pour susciter la clémence des pays vainqueurs de Napoléon. Le talent de Carême rayonne alors dans les plus grandes cours d’Europe. Il régale désormais le régent d’Angleterre, le tsar Alexandre Ier ou la famille Rothschild.

« Grand pavillon chinois », dans Marie-Antoine Carême, Le Pâtissier pittoresque. Paris, impr. de F. Didot, 1815. Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, 4-LC-17

Dans la passionnante biographie qu’elle lui a consacrée, Le premier des chefs : l’exceptionnel destin d’Antonin Carême (Flammarion, 2021), Marie-Pierre Rey souligne un autre aspect important de la carrière du chef : son travail d’écriture, qui lui assure de substantiels revenus. En 1815, il publie ses deux premiers ouvrages, Le Pâtissier pittoresque et Le Pâtissier royal parisien. Textes et illustrations sont de sa main et regorgent de précisions destinées à guider le lecteur. On admirera les talents de ce chef autodidacte qui codifie sa cuisine et diffuse très largement son œuvre, en France au fil de rééditions successives, mais aussi à l’étranger sous forme de traductions ou d’adaptations. Très attaché à la transmission des savoirs et à la formation, Carême exprime la plus grande reconnaissance envers ses maîtres. A son tour, il formera de nombreux disciples : Jules Gouffé, Urbain Dubois ou encore Armand Plumerey, qui achève, après la mort de Carême, L’Art de la cuisine.

Pour aller plus loin:
– Marie-Pierre Rey, Le premier des chefs : l’exceptionnel destin d’Antonin Carême. Paris : Flammarion, 2021.
– L’œuvre d’Antonin Carême numérisée dans Gallica (en ligne)
– « Dans les pas d’Antonin Carême : la pâtisserie artistique ». Bibliographie sélective de la BnF, mars 2017 (en ligne)

*Isabelle Degrange, Chargée de collections en Gastronomie à la Bibliothèque nationale de France

Le service à la française à son sommet. « Grand buffet de la cuisine moderne », dans Marie-Antoine Carême, Le Maître-d'hôtel français, ou Parallèle de la cuisine ancienne et moderne, tome 2. Paris, impr. de Firmin-Didot, 1822. Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares, V-33877

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