Habemus papam, mais comment se sont déroulées les journées des cardinaux pendant cette élection où même l’ordonnancement des repas et, a fortiori, les menus sont tenus secrets? Faute d’indications dans la période contemporaine, la Bibliothèque nationale de France vous invite à découvrir les coulisses d’un repas de conclave servi en 1549, tel que décrit par Bartolomeo Scappi dans un exceptionnel livre de cuisine publié en 1570, Opera dell’arte del cucinare.

Particulièrement remarquable, une double page de l’œuvre de Bartolomeo Scappi (1570) donne à voir un service de repas pendant un conclave, celui de 1549, ouvert par la mort du pape Paul III. La planche montre l’arrivée des sommeliers et cuisiniers sous la surveillance rapprochée de gardes, garants du secret des délibérations et de l’isolement des cardinaux de toute influence extérieure. Pour que rien ne soit dissimulé dans la nourriture, les plats sont découpés et piqués à l’aide de fourchettes, avant d’être passés à travers la Roue du Conclave, sorte de passe-plat tournant.
Un des plus importants témoignages culinaires de la Renaissance
Bartolomeo Scappi est un grand cuisinier. Né en Lombardie (Dumenza) au début du XVIe siècle, mort en 1577 et enterré à Rome, il travaille au service de plusieurs cardinaux et organise des festins pour les papes Pie IV et Pie V, ou en l’honneur de Charles Quint. Le livre qu’il publie à Venise, en 1570, constitue l’un des plus importants témoignages culinaires de la Renaissance. Ses vingt-sept planches gravées documentent, avec une précision inédite, l’organisation des lieux de préparation et la variété des instruments utilisés : appareil pour soulever les grands chaudrons, bassines, couteaux, mortiers, tamis, roulettes à pâte, passoires, marmites, broches, etc. L’auteur consigne et transmet à un disciple le fruit de ses nombreuses années d’expérience. Les six livres qui composent l’ouvrage recensent de nombreuses recettes : viandes et volailles, poissons, pâtes, potages, soupes et tartes, fruits cuits, etc. Scappi explique comment reconnaître les meilleurs produits et s’assurer de leur fraîcheur. Tout ce qu’un cuisinier doit emporter s’il voyage avec un prince se trouve également décrit.
Un repas de carême où sont servis deux cents plats de maigre…
Le traité comprend en outre une longue série de menus à servir suivant le calendrier. Leur examen montre qu’une succession de trente à cinquante mets était chose ordinaire sur les tables les plus prestigieuses. Ainsi d’un repas de carême où sont servis deux cents plats de maigre… Il se peut d’ailleurs que Rabelais ait été témoin de l’un de ces festins pantagruéliques lors de son voyage à Rome en 1534.
La Bibliothèque nationale de France conserve plusieurs éditions du traité de Bartolomeo Scappi, dont un magnifique exemplaire ayant appartenu à la bibliothèque de Catherine de Médicis : il s’agit du seul livre consacré à la cuisine dans la collection de la reine, ce qui montre le caractère exceptionnel et le rayonnement de cette œuvre.

Pour aller plus loin
Krohn, Deborah L. « Le livre de cuisine de la reine : un exemplaire de l’Opera de Scappi dans la collection de Catherine de Médicis ». La table de la Renaissance, édité par Florent Quellier et Pascal Brioist, Presses universitaires François-Rabelais, 2018. En ligne.
Krohn, Deborah L., Food and knowledge in Renaissance Italy. Bartolomeo Scappi’s Paper Kitchens, Ashgate, 2015.
Laurioux, Bruno, « De Jean de Bockenheim à Bartolomeo Scappi : cuisiner pour le pape entre le XVe et le XVIe siècle », Publications de l’École Française de Rome, no 334, 2004. En ligne.
*Isabelle Degrange, Chargée de collections en Gastronomie à la Bibliothèque nationale de France
Feuilletoir ci-dessous :
Partagez moi !
Vous pourriez aussi être intéressé par
Culture food
Cerisy, Cité de la gastronomie
Culture food La BnF Gourmande
Petits et grands cocktails…en 1929
Culture food