Mais quelles pouvaient bien être les variétés de pommes de terre que l’on mangeait au XVIIIème siècle à Paris ? C’est en voulant répondre à cette question que l’artiste suédoise Asa Sonjasdotter s’est attelé à un énorme travail de documentation pour imaginer l’installation qu’elle présente dans le cadre de l’exposition Vivre(s) au Domaine de Chamarande.
Quand on l’interroge sur la genèse de son travail, Asa Sonjasdotter explique qu’elle a eu envie de raconter des histoires sur la diversité des produits à son retour d’un voyage en Inde. «J’ai réalisé que l’Europe avait des savoir-faire traditionnels, notamment en ce qui concerne l’agriculture traditionnelle et biologique. Mais que l’on savait peu de choses : les connaissances sur le sujet sont très pauvres et ces savoir-faire ont pratiquement disparus.» De retour en Scandinavie, elle transfère cette expérience dans son contexte local. Ainsi commence le projet Potato perspective qui trouve à Chamarande son prolongement sur le territoire français.
Le parcours débute dans le vert paysage de l’ancien potager du roi (1784) où elle a installé de longs caissons de bois qui abritent en culture réelle douze variétés de pommes de terres, fruit de ses recherches. Puis, dans un lieu plus intime, son projet intitulé High Diversity prend toute son ampleur avec un empilement de multiples caisses de bois sérigraphiées, toutes de la même dimension. Celles-ci portent le nom des lieux qui ont participé à son projet en cultivant des variétés de pommes de terres françaises anciennes : les fermes de Marconville et d’Agrocité, les jardins partagés du Bois Dormoy, de Cambrai, du Trèfle d’Eole et de Planète Lilas, au domaine de Chamarande et dans la « ZAD Patates » cet été.
Asa précise qu’ «aucune de ces variétés n’est enregistrée dans la liste des variétés de l’Union européenne. Et une pomme de terre non enregistrée devient vite une pomme de terre illégale. Leur culture pour le commerce est donc impossible. C’est plutôt un hobby pour des particuliers qui préservent les semences anciennes. »Par ce projet, Asa tisse avec justesse les liens entre le tubercule et l’histoire politique française : le rejet de certaines variétés de légumes dû à l’industrialisation de l’agriculture, la revitalisation de ces mêmes variétés par des fermiers ou des laboratoires de recherche, mais aussi la famine et la révolution française, jusqu’à la standardisation du mode de croissance et le concept de « cultivar » génétiquement uniforme. « Ce qui est intéressant de souligner c’est que ce système provient du régime de Vichy qui prônait le cultivar de lignée pure, système de règlement encore utilisé par l’Union européenne. » poursuit Asa.
Tout en nous parlant, l’artiste nous montre une pile de magnifiques sacs en craft sérigraphiés, douze sacs, un par variété. On y découvre l’histoire de chaque variété, les caractéristiques de chacune de ces pommes de terre, comment on les cuisine et surtout leurs noms qui paraissent aujourd’hui un brin exotique : Corne de Gatte, Saucisse, Boulangère, Vitelotte, Ratte, la Bonnotte, la Rouges des Flandres, Institut de Beauvais, Roseval, Kerpondy, Bleu d’Auvergne et Violine de Borée…
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