Il faut bien avouer que le 15 novembre 2010, on a bien rigolé. Ce jour-là, la vénérable Unesco classait le repas gastronomique des français au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, rien que ça. La jeunesse d’aujourd’hui dirait, « c’est abusé ». C’est à peu près ce que l’on a pensé à l’époque, avec, de surcroît, une légère honte vis-à-vis de nos amis étrangers de tant de prétention. Et puis on a lu le livre de Pascal Ory et on a moins rit.
Non pas que ce professeur d’histoire contemporaine manque d’humour, de nombreuses pages de cet entretien témoignent du contraire, mais parce qu’il a su nous convaincre du bien fondé de cette décision. Il est vrai que si l’Unesco avait pris la peine de donner quelques explications de textes, les critiques eurent été certainement moins virulentes. Et en commençant par l’essentiel : s’entendre sur le mot gastronomique qui n’est pas, comme le souligne Pascal Ory , « le synonyme pompeux de « bonne », a fortiori, de « haute » cuisine »… mais la mise en discours de règles (nomos) du manger et du boire qui convergent vers l’estomac (le gaster). » A partir de là, l’historien démontre simplement et efficacement qu’il existe bien en France un discours gastronomique construit (dont Grimod de La Reynière et Brillat-Savarin sont les deux fondateurs), et qu’un certain nombre de règles, certes en voie de perdition dans la globalisation ambiante, structurent encore aujourd’hui le repas des français.
Un autre développement majeur de cet ouvrage repose sur la distinction que l’auteur opère entre cuisine publique et cuisine privée. Majeur pour au moins deux raisons. La première parce qu’elle permet de mettre en perspective le rôle des femmes dans la production des recettes et dans l’histoire de la cuisine et la deuxième parce qu’elle donne un éclairage sur le basculement qui s’est opéré dans l’histoire de la gastronomie avec l’apparition du restaurant peu avant la Révolution. Quant à l’identité, Pascal Ory s’attaque aussi à nos fameuses traditions « ancestrales », rentrées dans le sens commun : ainsi la tomate en Provence, venue d’Amérique et ne se répandant dans le sud de la France qu’au XVIIIème siècle, ou la Paëlla ibérique qui a dû attendre le développement de la riziculture, venue d’Asie en passant par l’Italie pour exister, le plus spectaculaire restant les treize desserts de Noël, toujours provençaux, dont l’ancestralité remonte seulement à… 1925 !
Pascal Ory démontre ainsi que la petite histoire de l’identité gastronomique des français ne peut être détachée de la grande histoire et qu’elle en est même l’un des marqueurs essentiels.
L’identité passe à table …
L’avenir gastronomique de l’humanité en général et de la France en particulier
Auteur : Pascal Ory
Editions Puf / Fondation Nestlé France
Date de parution : 27/08/2013
Nombre de page : 136 pages
Prix indicatif : 15€
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