Avec l’objectif de 50% de produits de qualité et de 20% de bio, la loi Agriculture et Alimentation doit servir de déclic aux collectivités pour réformer leurs politiques alimentaires. Pas de panique, l’expérience montre que manger bio, local et sain, c’est non seulement bon pour le climat, la santé et le plaisir des convives et pour tous les acteurs du champ à l’assiette. Mais en plus, ça ne coûte pas plus cher !
La loi a été adoptée le 2 octobre, les décrets d’application vont suivre mais déjà, bien des collectivités locales se posent la question : comment atteindre 20% de bio quand on part de zéro ou presque ? Combien ça peut coûter quand on n’a plus d’argent dans les caisses ? Et où trouver du bio si possible local pour limiter l’impact carbone ?
Ces questions sont légitimes quand on a le souci d’une bonne gestion des deniers publics. Mais elles sont malheureusement dépassées, au vu de la transition qui s’opère de plus en plus vite sur le terrain.
Pour ceux qui doutent encore de l’urgence d’acter des changements en restauration collective, un rapide état des lieux permet de dire que dans l’assiette, ce n’est pas toujours la fête. Les produits d’assemblage issus de filières longues, où le nombre d’acteurs et d’intermédiaires est aussi étendu qu’une liste de courses pour la semaine, restent la base. On ne porte qu’une faible attention à la denrée elle-même, on sait juste qu’elle respecte des normes d’hygiène en vigueur et qu’elle a été achetée selon les règles du code des marchés publics. Qu’elle ait fait 10 000 km avant de se retrouver en cuisine, qu’elle ait subi des traitements phytosanitaires qui lui donnent cet air si propre en apparence, ou bien qu’elle n’ait même pas donné un revenu décent à ceux qui l’ont fait pousser, de cela on continue de ne rien vouloir savoir. On consomme largement à pas cher, quitte à mutualiser la dette infinie qu’on contracte auprès de l’environnement et de la santé publique.
Une autre approche est évidemment possible. En 2018, certaines collectivités démontrent que manger plus bio, local, sain et juste est à la portée de tous. Grandes ou petites, urbaines et rurales, elles relèvent le défi alimentaire avec talent et montrent que l’objectif de 20% de bio n’est qu’une étape vers une révolution alimentaire en douceur. La plupart sont en effet d’accord là-dessus : après-demain, il faudra bien viser une alimentation 100% durable, sinon à quoi bon ?
À l’association Un Plus Bio, premier réseau national de cantines bio et rebelles en France, on s’en rend compte tous les jours : manger mieux, c’est un bonheur. C’est l’opportunité de se faire plaisir comme autour d’une bonne table où s’invitent toutes les parties prenantes de la restauration collective.
Les collectivités engagées se creusent la tête pour parvenir à des solutions locales qui concourent indéniablement à un mieux-être collectif, sans menacer les budgets. Concrètement, cela passe par un travail nourri : gérer le foncier avec plus de finesse, maîtriser le code des marchés publics pour relocaliser l’offre, associer le monde agricole local, faire de la santé publique une priorité éducative dans l’assiette, former les équipes à de nouvelles pratiques, introduire des comportements plus écologiques comme réduire le gaspillage ou valoriser les protéines végétales… Voilà quelques-uns des leviers pour rendre les cantines plus vertueuses et dessiner les politiques alimentaires durables et ambitieuses.
Pourtant, beaucoup continuent de clamer que manger mieux coûte forcément plus cher. Certains réclament même un coup de pouce financier à l’État sans lequel on n’y arrivera pas. C’est pourtant l’inverse qu’a démontré, en 2017, l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable. Les collectivités qui font du bio et du local de qualité le font à coûts maîtrisés. Elles ne s’écartent pas de la fourchette des prix moyens observée par Agores, le réseau des directeurs de restauration publique territoriale qui compte plus de 1000 adhérents. Avec 20% de bio au menu, un repas coûte 1,80 €, quand un repas conventionnel oscille entre 1,50 et 2,00 €. Le 6 novembre prochain, les tout derniers chiffres de l’Observatoire seront publiés à Paris, qui devraient confirmer cette tendance de fond.
L’autre argument qui revient comme une antienne, c’est la non disponibilité présumée du bio local. Là encore, l’Observatoire répond que 58% des produits bio utilisés en cuisine sont issus d’un périmètre inférieur à une ancienne région administrative. Comment l’expliquer ? C’est bien simple : à force de croissance régulière et de sécurité du marché, le bio séduit de plus en plus de paysans, coopératives et transformateurs qui se convertissent massivement depuis près de cinq ans.
Ecocert France, l’organisme de certification de l’agriculture bio leader en France, confirme l’essor de l’agriculture biologique sur tout le territoire. En 2013, la société a même lancé « En cuisine », le premier label de la restauration collective engagée vers plus de bio et de local, qui audite et mesure avec précision les niveaux d’engagement réel des cantines de collectivités. À ce jour, plus de 1 200 restaurants collectifs ont été officiellement recensés. Une bonne manière de savoir objectivement où on en est quand on se lance dans un projet alimentaire au long cours.
La loi Agriculture et Alimentation n’est pas coercitive, elle ne fixe pas d’obligation de résultat et il y a fort à parier que l’objectif de 20% de bio sera difficilement tenu d’ici à 2022 si nous attendons les bras croisés que les solutions viennent d’en haut. Mais le déclic est là, à notre portée. En nous retroussant les manches, en croisant les expériences qui marchent, l’horizon d’un monde plus goûteux, plus bio et plus local est largement atteignable ! Il suffit pour cela de se rapprocher des réseaux spécialisés qui accompagnent cette grande transition, tant sur le plan technique, humain que sur les approches budgétaires. Ils démontrent que, partout où les territoires ont réussi cette transition, les volumes augmentent et consolident les sources d’approvisionnement à coût maîtrisé.
Manger mieux est bon pour le climat, l’agriculture, les paysages, les enfants, les retraités, les patients hospitalisés, en bref pour l’ensemble des citoyens mangeurs (86% réclamaient plus de bio à la cantine en 2017). Et pour les élus qui seraient encore hésitants, inutile de leur dire que sur le plan électoral, c’est encore meilleur !
Signataires :
Christophe Hébert, président d’Agores (premier réseau des directeurs de restauration collective territoriale)
Gilles Pérole, président d’Un Plus Bio (premier réseau national des cantines bio)
Thierry Stoedzel, directeur général d’Ecocert France
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