Chronique Tribune

Les nourritures extraterrestres ont de l’avenir

20.06.18
Soleil_vert
Image extraite du film Soleil vert
Si ce que tu manges ne te grise pas, c'est que tu n'avais pas assez faim.

Les nourritures terrestres - André Gide

La combinaison moléculaire des macarons nourrissants de nos plateaux thermo-coagulés stimuleront bientôt nos papilles neuro-acclimatées aux textures vitaminiques gélifiées et saturées de fibres protéiniques activées pour le plus grand bien de nos organismes standardisés. Encore quelques efforts, et notre rapport à l’alimentation se définira essentiellement par des équations formulées par un nutri-coach virtuel personnalisé connecté à nos perso-data, qui concoctera au jour le jour nos savoureuses rations bio-toniques aux vertus vitalisantes. Car n’en doutons pas, le 21ème siècle « start-upien » s’est lancé dans une course à l’échalotte étourdissante en matière de comestible et de commensalité futurisables.

Nous allons manger comme si nous étions davantage que des humains, des terriens, des individus socialisés parlants, des corps sensoriels capables de poétiser leur être au monde au gré des saisons et des climats. Demain, nous mangerons des fruits, des légumes, des viandes, des poissons, des insectes, des algues, des micro-organismes, des racines, des synthèses combinées, des mixes moléculaires, des veloutés énergétiques et autres boissons dépuratives aux 1001 vertus. Les mangeurs du futur proche consommeront essentiellement les nourritures « extra-terrestres »  pensées en laboratoires, et faisant abstraction des contraintes de la réalité pour être produites partout et continûment. Les « vromages » au goût fade, les fraises récoltées à Noël, les pommes de terre hydroponiques, les laitues poussées sous LED dans des fermes verticales, les steaks sans viande ou issus de cellules cultivées, les boissons-repas qui évitent la pause déjeuner, etc.

Bref, nous mangerons de l’invraisemblable, comme nous buvions du Coca-cola dans les années 80 et comme nous mâchions des chewing-gums pour retrouver une certaine fraicheur de vivre en perdition. Des substituts de repas intelligents et idéologisants qui nous inciteront à nous penser en tant que supra-humains, petits génies rusés dégustant ces merveilleuses fraises tous les jours de la vie si le cœur nous en dit.  Nous couperons en quatre les petits biscuits protéiniques vierges de toute mauvaise action à l’encontre de dame nature et dont nous pourrons nous régaler l’esprit aussi immaculé qu’un casier judiciaire vierge. Et puis un jour nous réaliserons que les nourritures terrestres nous rattachaient à nos origines, nous consolaient de nos déconvenues, nous reliaient, nous ancraient dans nos corps et nos identités, nous ramenaient à la poésie de nos appellations gourmandes pour faire de nous des Ragueneau en puissance et toujours à l’affût d’une saveur délicieusement humanisante et naturante.

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