L’application Yuka est devenue le hit des supermarchés et le phénomène ne fait que commencer. Simplissime, elle n’offre finalement que peu de perspectives face à la complexité des paramètres d’un corps qui s’alimente.
J’en ai entendu parler il y a quelques mois : c’était l’invité qui me succédait à l’antenne d’une web radio.
Puis je suis allé surfer sur le site, pas convaincue;
Puis des patientes m’en ont parlé (Ariane Grumbach est nutritionniste – NDLR);
Puis un animateur radio a avoué qu’il était accro;
Puis le célèbre psychiatre/chroniqueur qui l’accompagnait a dit qu’il l’utilisait en famille;
Puis un acteur fameux a renchéri en déclarant qu’il connaissait et y avait parfois recours, enfin un peu;
Puis je vois qu’on en parle dans les journaux, à la télé…;
Puis je découvre qu’il y aurait 2 millions d’utilisateurs;
Puis une blogueuse très tendance m’a lancé un appel au secours : Ariane, il faut absolument que tu écrives là-dessus, toutes mes copines en sont dingues !
C’est quoi, cette nouvelle folie ? C’est l’application Yuka. D’ailleurs, vous voyez, ils sont très forts, même moi, j’en parle, sans l’utiliser.
Yuka est une appli destinée à scanner votre alimentation. Mais attention, pas une banale application de comptage de calories censée vous aider à perdre du poids (et pouvant vous rendre fou avant…). Yuka s’occupe de votre santé, Yuka vous dit comment bien manger. Yuka vous aide à distinguer les bons et mauvais aliments .
C’est tellement simple, rapide, tentant. On ne se prend plus la tête pour décider entre les céréales au chocolat et celles au miel, entre tel ou tel biscuit, on sort son téléphone de sa poche et Yuka vous dit lequel choisir en fonction de son intérêt santé. Même plus la peine de se battre entre lobbies pour l’étiquetage nutritionnel des aliments, Yuka fait le boulot, que ça plaise ou non aux fabricants.
Limites et dangers
Alors, quoi, moi, diététicienne, je pourrais être contre ?! Certes, à titre personnel, je suis un peu agacée par ce énième coaching nutritionnel. Mais j’y vois surtout plusieurs limites :
– A quoi bon comparer deux produits et choisir le « meilleur » alors que l’équilibre alimentaire est un vaste bricolage basé sur une grande variété alimentaire dans la durée?
– Est-ce que mieux manger, ce ne serait pas d’abord manger/cuisiner des aliments sans étiquette à scanner ? Ou, si on trouve cela un idéal compliqué à atteindre, ne serait-ce pas choisir les aliments industriels les moins transformés ? Et pour cela, pas besoin d’appli, un coup d’œil rapide à la liste des ingrédients (peu, logiques, simples) suffirait sans doute.
– Utiliser ce genre d’appli, c’est encore une façon de manger avec sa tête plutôt qu’avec son goût, ses préférences, son attention sensorielle.
– Enfin, est-il sage de s’en remettre à une appli pour décider de ce qu’on mange. Verra-t-on bientôt Yuka comme socle de l’éducation alimentaire à l’école ? Sera-t-on confronté à un accord Yuka-Facebook pour que l’appli vous oriente vers un caddie sur mesure façonné par l’analyse de vos données personnelles ?
Est-ce cette façon de manger que nous voulons ? Pour ma part je dis non et je choisis des aliments tracés pour leur goût, leur origine et leur proximité.