Une déclaration politique visant Bruxelles et des ébauches de mesures techniques: le Premier ministre Manuel Valls a tenté lundi de calmer les agriculteurs, en colère et mobilisés contre la chute des cours, sans froisser les représentants de la grande distribution reçus à Matignon.
Entre levée de l’embargo sanitaire russe sur le porc, fonds de soutien pour la viande porcine et participation des producteurs aux négociations tarifaires, M. Valls a envoyé un message acerbe à la Commission européenne en recevant les représentants des grandes enseignes, toujours accusées en France de faire de grosses marges sur le dos des producteurs. « Nous avons pris des mesures d’urgence depuis le début de la crise, mais la crise est aussi européenne. La Commission doit activer les pouvoirs dont elle dispose en cas de crise. Jusqu’à présent, elle a fait trop peu et trop tard« , a glissé devant la presse le Premier ministre, entouré de Stéphane Le Foll (Agriculture) et Emmanuel Macron (Économie). La Commission pourrait acheter et/ou stocker des produits agricoles (boeuf et poudre de lait…) pour faire remonter les cours, ont expliqué les services de Matignon interrogés par l’AFP sur les « pouvoirs » évoqués par le Premier ministre. Selon la même source, Bruxelles est restée inactive faute d’unanimité parmi les 29 états-membres de l’UE, les plus libéraux refusant une intervention trop flagrante de la puissance publique.
La Commission a immédiatement réagi aux accusations françaises lundi: « Un paquet d’urgence a été approuvé à la fin de l’année passée, d’un demi-milliard d’euros, dont une enveloppe de 420 millions euros à distribuer dans les États-membres. C’est aussi aux États-membres de faire usage de ce montant« , a déclaré un porte-parole, Daniel Rosario, soulignant l’existence d’autres mesures, certaines très ciblées pour le lait et l’élevage. M. Valls a par ailleurs indiqué qu’il évoquerait la « levée progressive de l’embargo russe sur le porc » en rencontrant samedi son homologue russe Dmitri Medvedev. Cette réunion avec le Premier ministre s’est tenue alors que des agriculteurs bloquaient avec leurs tracteurs les accès de Saintes (Charentes-Maritimes) pour protester contre les prix d’achat à la baisse des grandes surfaces.
‘Signature à trois’
Les négociations annuelles entre la grande distribution et ses fournisseurs doivent aboutir avant le 29 février. L’essentiel de la grande distribution avait fait lundi le déplacement à l’hôtel de Matignon (Carrefour, Casino, Système U, Lidl, Auchan, Intermarché, Leclerc). Un fonds de soutien aux producteurs de porc a été évoqué. « C’est la discussion que nous avons entre la FNSEA et la FCD » (Fédération du commerce de la distribution), a déclaré le PDG de Système U, Serge Papin, enseigne très présente dans l’Ouest en colère. Il s’agirait d’un fonds de 100 millions d’euros, d’après le président de la FNSEA, Xavier Beulin, qui s’est dit « prudent car il y a des étapes incontournables: droit de la concurrence, eurocompatibilité« . À Matignon, il a aussi été question d’associer les producteurs aux négociations annuelles sur les tarifs entre les centrales d’achat et leurs fournisseurs, les industriels de l’agroalimentaire. « Nous devons aller sur des négociations tripartites. Il faut que les distributeurs, les industriels et les producteurs puissent se mettre autour de la table« , a déclaré M. Macron. « Cela permettrait de tout résoudre« , s’est enthousiasmé M. Papin, défendant « une signature à trois et un engagement d’un prix a minima sur la production« . La balle est dans le camp des industriels, également égratignés sur la question de l’étiquetage, car ils font trop rarement figurer l’origine de la viande de leurs plats préparés. « Le Premier ministre a clairement dit qu’il ne s’agissait en aucun cas de stigmatiser la grande distribution (…) qu’il fallait trouver ensemble les solutions« , a souligné le représentant de la FCD, Jacques Creyssel. « La responsabilité de la grande distribution, c’est évidemment dans un contexte qui est déjà déflationniste de ne pas s’engager dans des négociations commerciales qui viendraient aggraver la situation, au contraire« , a déclaré M. Le Foll, comprenne qui pourra!
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