Analyse PAC

Les sénateurs français contre les projets de Bruxelles pour la période 2021-2027, PAC en tête

17.02.19

Les sénateurs français persistent et signent contre Bruxelles: un rapport en cours d’élaboration par deux commissions de la Haute assemblée fustige les propositions de réforme de la future politique agricole commune (PAC) après 2021.

A moins de deux semaines de l’ouverture du salon de l’agriculture, rendez-vous annuel du monde agricole et rural à Paris, les sénateurs et sénatrices estiment que les propositions de la commission européenne risquent de déboucher sur « 27 politiques agricoles nationales ». Ils craignent que la future PAC ne suscite des « distorsions de concurrence » entre États membres et qu’elle fragilise la sécurité alimentaire du continent.

La Commission européenne a présenté ses propositions le 1er juin 2018 pour l’agriculture européenne entre 2021 et 2027, prévoyant d’avantage de subsidiarité, un meilleur ciblage des aides, un encouragement à l’innovation et à la recherche et un relèvement des ambitions environnementales et climatiques. Lors d’une réunion publique jeudi, les deux commissions sénatoriales françaises ont signifié leur refus des coupes budgétaires prévues pour l’agriculture dans ce cadre. Elles avaient déjà rédigé deux autres rapports sur le sujet. Selon les sénateurs, le budget de la PAC, de 408 milliards d’euros, devrait rétrécir de 15% après 2021, à 365 milliards, après suppression « de 18,9 milliards d’euros » qui ne seront plus versées par la Grande-Bretagne et de « 24 milliards d’euros » qui seront affectés à de nouvelles priorités (sécurité des frontières, lutte contre le terrorisme…) Ils critiquent aussi l’architecture administrative proposée pour la nouvelle PAC.

Sous couvert de simplification, elle risque de « déconstruire » la politique commune et de n’être qu’un « transfert de bureaucraties », sans bénéfice ni pour les agriculteurs ni pour les consommateurs citoyens de l’UE, estiment les sénateurs et sénatrices. Enfin, ils souhaitent que soit réaffirmé le principe d’une agriculture sur la totalité du territoire d’un état, craignant des spécialisations à outrance et l’abandon de certaines régions déshéritées ou montagneuses.

« A qui profite le crime? »

« Je plains les agriculteurs entre 2021 et 2027 » a déclaré le sénateur Michel Raison (LR, Haute-Saône), inquiet pour sa part du renforcement des contraintes environnementales pour les agriculteurs. Le sénateur socialiste Henri Cabanel (Hérault) a regretté le « manque d’ambition » que l’Europe porte à l’agriculture, qui traite pourtant de santé (qualité alimentaire), d’environnement (lutte contre le réchauffement, biodiversité) et d’économie avec des emplois « non délocalisables« . Évoquant la Chine, la Russie, le Brésil et les États-Unis, puissances agricoles et alimentaires qui ont renforcé leurs aides à l’agriculture depuis le début des années 2000, M. Cabanel a estimé que l’UE allait « détruire » son agriculture avec le projet de future PAC. « À qui profite le crime? » a-t-il lancé.

Le sénateur Franck Montauger (Socialiste, Gers) a mis en garde contre un document officiel du gouvernement français sur la PAC qui souhaite « la préservation du budget en euros courants ». « Je note une divergence importante avec ce que nous soutenons au Sénat. En 2027, les euros n’auront pas le même poids que ce qu’ils pouvaient avoir en 2014 ou 2015 » a-t-il dit. Quant à Jean Bizet, sénateur LR et président de la commission des Affaires européennes, il a appelé à « faire partager » les opinions du Sénat avec les autres pays européens. « Sur l’agriculture, notre principal pays partenaire, l’Allemagne, nous a quitté depuis quelques années, et elles est tombée dans le camp des pays du Nord ultra-libéraux; nous sommes maintenant dans le camp des pays du Sud et de l’Est » a-t-il dit. Pour Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économique et sénatrice LR des Yvelines, « la PAC a rempli depuis 1962 un rôle fondateur et essentiel et mérite toujours d’être considérée comme stratégique en raison des enjeux de sécurité alimentaire du continent européen et des enjeux industriels du XXIe siècle« . « La PAC a réussi: Quand nos anciens mettaient 50% de leur pouvoir d’achat dans l’alimentation, aujourd’hui nous n’en mettons plus qu’entre 8 et 11%« , a fait valoir le sénateur Laurent Duplomb (LR, Haute Loire).
Par Isabel Malsang pour AFP

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