Après les abattoirs, les poules pondeuses. L’association militante L214 dénonce dans une nouvelle vidéo choc les conditions « alarmantes » dans lesquelles les oeufs sont produits dans un élevage de 200.000 poules dans l’Ain. Matines va cesser de s’approvisionner dans l’élevage incriminé.
La marque d’oeufs Matines va cesser de s’approvisionner dans l’élevage de poules de l’Ain incriminé par une vidéo de l’association L214 pour ses conditions « alarmantes », a déclaré mercredi son directeur qualité. « Nous avons pris la décision de stopper les approvisionnements venant de cet élevage. Il n’y a pas un oeuf qui sera conditionné en provenance de cet éleveur » à partir d’aujourd’hui, a expliqué David Cassin. Des mesures de « retrait en magasin des oeufs déjà commercialisés » vont également être prises, a-t-il précisé, sans être en mesure de détailler le nombre et l’emplacement des supermarchés concernés. Matines est la propriété du groupe Avril que co-dirige Xavier Beulin, président de la FNSEA.
Révélées plus tôt dans la journée et tournées selon L214 en avril dans le Gaec du Perrat à Chaleins, près de Villefranche-sur-Saône, les images montrent des poules déplumées, une prolifération de poux, d’asticots, des cadavres de volailles en état de décomposition avancée gisant dans des cages, des accumulations de fiente.
« S’il le faut, je fermerai cet élevage », a réagi mercredi le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll sur France Info, qualifiant la situation de « lamentable » et d' »insupportable ». Sa collègue de l’Environnement Ségolène Royal l’a jugée « intolérable » sur Twitter et a demandé une inspection et une décision « dans la journée » au préfet de l’Ain. Des agents de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) étaient attendus sur place dans la matinée. Le responsable du Gaec n’a pas pu être joint par l’AFP malgré plusieurs tentatives.
Arrêtés préfectoraux
L’association L214, qui tire son nom d’un article du code rural reconnaissant l’animal comme « un être sensible », avait déjà dénoncé en 2013 « l’état dramatique de cet élevage ». A l’époque, la justice lui avait interdit de diffuser des images. « La situation dans cet élevage perdure, il y a eu des arrêtés préfectoraux mais ça ne va pas plus loin. Donc on porte plainte pour maltraitance sur animaux, on demande au préfet la fermeture, aux enseignes qui vendent leurs oeufs d’arrêter et aux consommateurs de réfléchir à leur consommation », explique Brigitte Gothière, cofondatrice de l’association qui milite pour un monde sans consommation de viande et s’en prend plus largement aux élevages de poules en batterie.
Proche de Villefranche-sur-Saône, le Gaec du Perrat fait de l’élevage industriel de porcs et de volailles. Sur son site internet, il indique « accueillir 200.000 poules pondeuses » et disposer de « 150.000 places » pour les poulettes. Il assure que l’élevage industriel en cage (signalé par le code 3 sur les oeufs, contre 1 pour le plein air), « dénigré à l’heure actuelle », est « pourtant l’un des seuls pouvant garantir une réelle fraicheur des oeufs » et « bénéficie d’une sécurité bactériologique parfaite ». Il s’agit du plus gros élevage de poules dans un département essentiellement producteur de volailles haut-de-gamme, les poulets de Bresse.
« Mouches, larves et accumulations de fiente »
La préfecture de l’Ain a déjà pris plusieurs arrêtés sur ce Gaec. Dans l’un d’eux, daté du 6 janvier 2016, elle indiquait qu’une inspection en août 2015 avait constaté « la présence importante de mouches dans le hangar et de larves dans le hangar » et avait relevé des « accumulations de fiente ». Le texte évoquait aussi plusieurs courriers d’une mairie proche se plaignant de la prolifération de mouches dans le voisinage. La DDPP de l’Ain avait assuré mardi soir à l’AFP suivre la situation de près et multiplier les inspections. L’élevage a notamment été mis en demeure sur l’aspect sanitaire et son activité a été brièvement suspendue fin mars. La dernière inspection, en date du 18 mai, devait entraîner de nouvelles demandes de mise en conformité mais pas de fermeture, selon Laurent Bazin, directeur de la DDPP.
Matines réalise une fois par an des audits chez ses fournisseurs en oeufs, qui peuvent être complétés par des audits menés par les distributeurs. La marque vend 1,5 milliard d’oeufs par an, soit 10% de parts du marché français. Sollicités par l’AFP, les distributeurs Auchan, Carrefour, Casino, Intermarché et Super U, qui vendent la marque dans leurs supermarchés, n’avaient pas encore réagi en fin de matinée. L’interprofession des oeufs (CNPO) a « fermement condamné » les pratiques montrées dans la vidéo et demandé des contrôles des services vétérinaires de l’État, ainsi que des sanctions. Elle se réserve « le droit de se porter partie civile dans le cadre d’une éventuelle action judiciaire ». En revanche, le CNPO « rejette l’amalgame et la généralisation savamment orchestrée par quelques militants vegan » car selon lui ces images « ne reflètent en rien les pratiques des 700 éleveurs de la filière française ».
L’association L214, basée à Lyon et fondée par un couple « vegan » – qui ne mange ni viande, ni oeufs, ni lait – a obtenu la fermeture de deux abattoirs en France ces derniers mois après avoir diffusé d’autres vidéos choc.
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