Analyse Entreprises

Le juteux marché de la livraison de repas en pleine (r)évolution

Après l’entrée d’Amazon dans le capital de Deliveroo, c’est au tour de la société britannique de livraison de repas Just Eat de fusionner avec le néerlandais Takeaway.com afin de créer un poids lourd mondial d’un secteur en plein essor, à la plus grande joie des investisseurs.

Dans un communiqué publié lundi, le groupe britannique a annoncé avoir trouvé un accord avec son concurrent néerlandais pour donner naissance à une société valorisée autour de 9 milliards de livres et capable de tenir la dragée haute au britannique Deliveroo et à l’américain Uber Eats. Le marché, qui a récemment mené la vie dure à Just Eat, a immédiatement salué la nouvelle. Vers 09H20 GMT, le titre de Just Eat prenait 24,92% à Londres et celui de Takeaway.com bondissait de 3,95% à Amsterdam.

360 millions de commandes par an

Les mariés expliquent vouloir mettre sur pied l’une des importantes plateformes au monde de vente en ligne de plats préparés, avec 360 millions de commandes par an soit un chiffre d’affaires cumulé de 7,3 milliards d’euros, avec une présence dans des pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Canada. L’opération prévoit que les actionnaires de Just Eat détiennent 52,2% de la société fusionnée, contre 47,8% pour ceux de Takeaway.com. Le groupe aura son siège à Amsterdam et sera dirigé par l’actuel directeur général du groupe néerlandais. La cotation en Bourse resta à Londres et « une part importantes des opérations » sera maintenue au Royaume-Uni, est-il précisé. Dans les faits, cette fusion s’apparente néanmoins à un rachat de Just Eat par Takeaway.com puisque les conditions associées à la transaction donnent jusqu’au 24 août au néerlandais pour faire une offre ferme. Just Eat, même s’il réalise des ventes plus élevées que son partenaire et a davantage de clients, a en effet une valorisation boursière plus faible. Pour Russell Pointon, analyste chez Edison Investment Research, cette fusion est logique puisque les deux groupes ont une présence géographique complémentaire. Ils vont pouvoir « investir davantage dans les endroits où ils sont moins rentables pour gagner des parts de marché », selon lui.

Amazon en embuscade

Créé au début des années 2000 par cinq entrepreneurs danois, Just Eat a connu un parcours chaotique ces derniers mois, avec notamment le départ de son directeur général en début d’année et une stratégie contestée par des investisseurs. C’est lui qui avait doté Just Eat de son propre réseau de livreurs, alors que jusqu’alors la société se contentait de mettre en relation les clients avec des restaurants capables d’effectuer eux-mêmes la livraison. Pour se faire une place au sein d’un secteur très concurrentiel, Just Eat a engagé de lourds investissements afin de pouvoir élargir la gamme de restauration proposée sur son site, ce qui a toutefois plombé sa rentabilité et ses perspectives financières.

« Se développer à l’international et affronter la féroce concurrence a un coût. Il est devenu difficile de croître sans une érosion des marges« , prévient Neil Wilson, analyste chez Markets.com. En s’alliant avec Takeaway.com, dont l’origine remonte à l’an 2000, le groupe donne raison au fonds d’investissement Cat Rock Capital, qui possède autour de 2% du capital et appelait de ses voeux une fusion avec la société néerlandaise pour sortir Just Eat de l’ornière. Pour les deux sociétés de livraison de repas, il s’agit en outre d’être plus forts pour contrecarrer les ambitions de Uber Eats et de Deliveroo. Ce dernier avait annoncé mi-mai l’entrée à son capital d’Amazon à l’occasion d’une levée de fonds, alimentant les spéculations sur les intentions du géant américain du commerce en ligne. Cette opération pourrait toutefois faire l’objet d’une enquête du gendarme britannique de la concurrence.

Notons toutefois que comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises comme ici, Le développement à grande vitesse de ce secteur de la livraison de repas s’accompagne de nombreuses critiques quant à ses pratiques sociales en raison de la précarité des contrats de travail des livreurs.
Par Jean-Baptiste Oubrier pour AFP

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