Analyse Changements climatiques

Le géant américain Cargill met en garde contre la déstabilisation des systèmes alimentaires

07.01.20

Cargill, le géant américain du négoce et de la transformation de matières premières agricoles, a plaidé mardi pour des changements « courageux et décisifs » dans l’industrie agroalimentaire mondiale, mettant en garde, à défaut, contre une déstabilisation du secteur par le changement climatique.

« Sans des décisions courageuses et décisives par tout le secteur de la production alimentaire, le changement climatique va déstabiliser les systèmes alimentaires« , a averti le PDG du groupe, Dave MacLennan, lors de la publication des résultats du premier semestre (juin-novembre) de son exercice décalé. « Comme dans tous les autres secteurs, nous parions sur l’innovation avec nos partenaires (…) afin d’être sûrs de pouvoir nourrir une population mondiale en croissance dans les années à venir« , a-t-il ajouté dans un communiqué.

Cargill fait partie des quatre géants mondiaux de l’agrobusiness et du trading des matières premières agricoles, compris dans la formule ABCD (ADM, Bunge, Cargill, LouisDreyfus). De fait, comme ses concurrents, Cargill a souffert des graves accidents météo (inondations…) dans le coeur du Middle West agricole américain qui ont ruiné certains fermiers, par ailleurs affectés par les conséquences de la guerre commerciale USA-Chine qui ont réduit les exportations de grains américains vers la Chine. Au premier trimestre, son bénéfice net s’était contracté de 10%. Au deuxième, le groupe a redressé la barre après la cession de ses 16 malteries à la coopérative française Axereal qui devient leader mondial du secteur. Le bénéfice net de Cargill a ainsi fait un bond de 61% par rapport à la même période de 2018, à 1,19 milliard de dollars, portant le résultat net semestriel à 2,11 milliards de dollars (+20%). Sur les six premiers mois de l’exercice, son chiffre d’affaires a beaucoup moins progressé: +3% à 58,2 milliards de dollars, incluant une hausse de 4% au 2e trimestre (à 29,2 milliards de dollars). « La transformation en cours, ainsi que de récentes acquisitions » (…) « nous aident à continuer d’améliorer nos performances« , a néanmoins commenté Dave MacLennan.

Epinglé par Greenpeace

Le groupe a en particulier salué le début de la production industrielle d’édulcorant de synthèse à base de stevia Eversweet dans son usine de Blair au Nebraska. Un investissement de 50 millions de dollars stratégique pour lui, car le mode de production, qui repose sur une technique de fermentation, constitue une première du genre aux États-Unis. Il permet de générer les deux molécules les plus utiles de la feuille de stevia, et se présente comme plus durable que celui basé sur l’extraction des feuilles de stevia elles-mêmes, puisque ces deux molécules représentent moins de 1% de la feuille de stevia naturelle.

Cette innovation recèle un potentiel de croissance « significatif » dans l’agroalimentaire, des boissons aux yaourts en passant par les eaux et thés parfumés. « Plus de 300 essais clients sont en cours », a précisé Cargill. Côté innovation, au premier trimestre, Cargill avait aussi annoncé un investissement de 75 millions de dollars dans Puris, le plus gros fabricant de protéines de pois en Amérique du Nord, ingrédient essentiel utilisé pour la production de viandes cellulaires issues de la synthèse végétale.

Le groupe a aussi conclu un accord commercial avec la biotech française InnovaFeed, spécialisée dans la production de protéines d’insectes destinées à nourrir des poissons dans le secteur aquaculture. Mais récemment, Cargill a aussi été épinglé par l’ONG Greenpeace pour sa responsabilité dans la déforestation au Brésil via notamment ses liens avec une gigantesque exploitation dans l’État de Bahia au Brésil (nord-est du pays), la ferme du groupe Estrondo, qui s’étend sur 305.000 hectares, une superficie supérieure à celle du Luxembourg.

En décembre, comme en réponse, le groupe a relevé ses ambitions affichées de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, espérant parvenir à les faire baisser de 30% par tonne de produit d’ici 2030, alors qu’il était engagé précédemment à 10% d’ici 2025. Parmi les améliorations visées, des efforts pour aider les agriculteurs à maintenir des sols plus sains et à séquestrer plus de carbone.

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