La science se cherche
La viande cellulaire entre rêve écologique et cauchemar économique
Depuis quelques années, la viande cellulaire – aussi connue sous le nom de viande cultivée – a fait une entrée fracassante sur la scène alimentaire mondiale, du moins dans les labos et les medias. Promettant de révolutionner notre alimentation tout en sauvant la planète, elle semblait destinée à conquérir nos assiettes. Mais qu’en est-il réellement du bilan économique de cette innovation? C’est notre épisode 1. Et l’humain est-il prêt à franchir un cap majeur dans son rapport à l’alimentation carnée ? Ce sera notre épisode 2.
Les leaders du steak de laboratoire
À l’avant-garde de cette révolution carnée, plusieurs entreprises se disputent la première place sur le podium. Memphis Meats, fondée en 2015, s’est rapidement imposée comme l’une des pionnières du secteur. Avec le soutien financier de stars de l’économie mondiale comme Bill Gates et Richard Branson, elle a réussi à lever des millions de dollars pour développer ses produits. Impossible Foods (quel nom !), bien que plus connue pour ses burgers végétaux, s’est également aventurée dans la viande cellulaire, cherchant à diversifier son offre. Upside Foods, anciennement connue sous le nom de Just, Inc., est une autre étoile montante et enfin, Aleph Farms, basée en Israël, qui a fait sensation en doublant les américains en créant le premier steak cultivé en laboratoire commercialisable.
Des promesses en or
La viande cellulaire est porteuse de promesses mirifiques. Réduire les émissions de gaz à effet de serre, limiter la déforestation, et offrir une alternative éthique à l’élevage intensif sont autant d’arguments qui séduisent les consommateurs et les investisseurs soucieux de l’environnement. Si on y ajoute une population mondiale en constante augmentation, la demande en protéines ne fait que croître, et la viande cellulaire semble donc être la solution durable la plus évidente.
Derrière les paillettes et les déclarations grandiloquentes
Dans le monde de la Startup Nation, on adore les déclarations à plusieurs zéros sur les levées de fonds qui cachent subséquemment des réalités économiques beaucoup moins glamour. De quels montants parle-t-on?. Entre 2013 et 2021, les investissements totaux ont atteint environ 313 millions de dollars, avec une augmentation notable de 92% entre 2020 et 2021 (voir détails ici). En 2022, les investissements dans ce secteur ont franchi la barre des 2 milliards de dollars, démontrant un intérêt croissant des investisseurs pour cette technologie émergente (Rapport du Congrès de septembre 2023 ici). Des entreprises telles que Memphis Meats et BlueNalu ont levé des sommes considérables, Memphis Meats atteignant jusqu’à 161 millions de dollars lors de son dernier tour de table (Voir l’article de SciTeckDaily de février 2024 ici). En parallèle, des initiatives gouvernementales, comme les 10 millions de dollars alloués par les États-Unis pour établir un Institut National de l’Agriculture Cellulaire, témoignent également du soutien institutionnel croissant.
Mais produire de la viande cellulaire coûte encore cher, très cher. Les infrastructures nécessaires, la recherche et développement, et les biotechnologies utilisées font grimper les coûts de production à des niveaux stratosphériques. Bien sûr, ces coûts ont considérablement diminué en une décennie, mais la viande cellulaire reste encore de l’ordre de l’inabordable pour les ingénieurs en marketing qui cherchent encore les périmètres de leur marché.
Ajoutons plusieurs obstacles qui ralentissent la commercialisation massive. Tout d’abord, les régulations. La Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, ainsi que les autorités sanitaires européennes, imposent fort heureusement des normes strictes pour garantir la sécurité des aliments. Ces processus d’approbation peuvent prendre des années, retardant ainsi l’arrivée des produits sur le marché.
Ensuite, il y a la question de l’acceptation par le public. Même si les sondages montrent un intérêt croissant pour les alternatives à la viande traditionnelle, convaincre les consommateurs de passer au steak de laboratoire reste un défi. Le facteur « dégout » et les préjugés liés aux aliments « artificiels » sont encore très présents, nous y reviendrons dans notre deuxième épisode.
Lueurs d’espoir ?
Malgré ces obstacles, les perspectives économiques de la viande cellulaire ne sont pas totalement noires. Les coûts de production continuent de baisser grâce aux avancées technologiques et aux économies d’échelle. De plus, l’intérêt des investisseurs ne faiblit pas, avec des levées de fonds qui se chiffrent encore aujourd’hui en centaines de millions de dollars.
Enfin, la prise de conscience environnementale et éthique croissante qui joue en faveur de cette innovation.
La viande cellulaire se trouve à un carrefour crucial. Entre promesses mirobolantes et réalités économiques et environnementales, elle doit encore prouver sa viabilité à grande échelle et c’est maintenant, si les investisseurs ne veulent pas que l’aventure se termine dans le sang.
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