La science se cherche

Des larves qui révolutionnent l’agriculture durable

21.02.25

La BBC nous fait découvrir ce mis-ci dans un magnifique reportage signé Miranda Lipton, un petit insecte aux capacités impressionnantes qui s’impose comme un acteur clé dans la lutte contre les déchets organiques et la restauration de la santé des sols : la larve de la mouche soldat noire (BSFL). Ces larves peuvent consommer jusqu’à quatre fois leur propre poids en déchets organiques chaque jour, les transformant en un engrais riche en nutriments appelé frass.

© Chapul Farms

« Ces insectes peuvent survivre grâce aux déchets et se reproduire rapidement », explique Shankar Ganapathi Shanmugam, professeur adjoint en sciences des plantes et des sols à l’Université d’État du Mississippi. « Cela les rend extrêmement efficaces pour le traitement des déchets organiques. »

Avec plus d’un tiers des sols mondiaux dégradés, le frass pourrait jouer un rôle essentiel dans la reconstruction de la biodiversité des sols. Consciente de ce potentiel, l’US Department of Agriculture (USDA) a accordé en mai 2024 des subventions à plusieurs projets, dont Chapul Farms, une entreprise basée dans l’Oregon. Celle-ci s’efforce d’intégrer les insectes dans l’agriculture américaine afin d’éliminer les déchets alimentaires, restaurer la santé des sols et produire des aliments pour animaux de haute qualité.

Des solutions circulaires pour l’agriculture

Chapul Farms collabore avec des exploitations agricoles locales, échangeant des déchets contre du frass dans un système circulaire bénéfique pour toutes les parties. « Faire passer les déchets par la biologie des insectes a toutes ces implications positives », souligne Mimi Casteel, viticultrice en Oregon qui utilise le frass de Chapul. « C’est une solution portable, peu coûteuse et qui ajoute une couche de diversité qui manquait. »

Le frass enrichit non seulement le sol en communautés microbiennes diversifiées, mais réduit aussi la dépendance aux engrais chimiques, souvent responsables de la dégradation de la biodiversité des sols. « Contrairement aux produits synthétiques, le frass favorise des écosystèmes du sol résilients et diversifiés », précise Aly Moore, directrice de la communication chez Chapul Farms.

Défis et potentiel futur

Malgré son potentiel, l’adoption à grande échelle de la BSFL se heurte à des obstacles réglementaires. Actuellement, le National Organic Program des États-Unis ne reconnaît pas les insectes comme additifs agricoles acceptables. Shanmugam insiste : « Pour commercialiser le frass comme engrais, il faut une réglementation. Et pour cela, nous avons besoin de plus de recherches. »

Cependant, l’intérêt grandit. Les installations de Chapul, qui ouvriront en Oregon et dans le Dakota du Nord d’ici 2026, devraient produire 10 000 tonnes de frass par an et créer 59 nouveaux emplois. Michael Place, directeur technique chez Chapul Farms, souligne l’urgence : « Les prix des engrais ont plus que doublé ces dernières années. Notre travail ne concerne pas seulement l’engrais, mais aussi la sécurité alimentaire.

Un nouveau territoire pour l’agriculture des insectes

Bien que le marché des protéines d’insectes ait atteint près de 1 milliard de dollars en 2022, le frass reste sous-exploité, avec une valeur estimée à seulement 96 millions de dollars en 2023. Pourtant, son potentiel de croissance est considérable.

Pat Crowley, PDG de Chapul Farms, affirme que les insectes jouent un rôle écologique crucial : « Les écosystèmes naturels ne peuvent pas prospérer sans les insectes. Ils représentent l’un des leviers les plus puissants que nous ayons pour créer une agriculture plus résiliente, fondée sur les écosystèmes. »

Alors que les déchets organiques continuent de peser sur les systèmes énergétiques et d’alimenter les émissions de gaz à effet de serre, la BSFL offre une solution durable. Capable de traiter rapidement les déchets tout en améliorant la santé des sols, cette larve pourrait bien redéfinir les pratiques agricoles – prouvant qu’il n’est pas nécessaire d’être grand pour avoir un impact majeur.

Retrouvez l’intégralité de l’article (en anglais) ICI

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