Portrait Nutrition animale

« Casser une vache au bout de deux ans, c’est dramatique »

08.09.15

Parmi les 103 innovations présentées lors des « Terrenales 2015 », la démarche « éco-méthane », rebaptisée « Profilia » par Terrena, fait partie des douze solutions qui entrent dans le périmètre des « solutions AgriCO2 ». Issues d’une recherche collaborative menée entre l’association Bleu Blanc Cœur et l’Inra, cette dernière a démontré qu’en nourrissant les vaches avec des sources végétales naturellement riches en oméga 3, la qualité nutritionnelle en était améliorée et les émissions de méthane réduites de 20%. Le point avec Philippe Coiffet, en charge des questions de nutrition animale chez Terrena.

Philippe Coiffet, en charge des questions de nutrition animale, à l'intérieur de son stand, parmi les 103 proposés lors des
Philippe Coiffet, en charge des questions de nutrition animale, à l’intérieur de son stand, parmi les 103 proposés lors des « Terrenales ».

En France, l’empreinte écologique de l’élevage animal et notamment de l’élevage bovin est très élevée. Avec 21% d’émission de gaz à effet de serre, l’agriculture est le deuxième secteur émetteur derrière celui des transports (28%). Si l’on détaille ces chiffres, le méthane représente à lui seul 40% des rejets dans l’atmosphère. On dit même que ce gaz serait plus nuisible que le dioxyde de carbone…
Chez les ruminants, le méthane, produit au cours des fermentations digestives, est rejeté par éructation dans l’atmosphère. Ce qui représente à la fois une perte sur la quantité d’énergie fixée par les animaux d’élevage et une trop forte contribution à l’effet de serre. Pour bien comprendre ce qui se joue, il faut rappeler que les ruminants ont la particularité de posséder trois compartiments digestifs appelés « pré-estomacs » (rumen, réseau et feuillet). Ces derniers sont situés en avant de la caillette, équivalent de l’estomac chez les animaux monogastriques (par exemple, le cheval, ndlr). Or, le méthane est produit par la dégradation des glucides dans le rumen. Notre démarche, appelée « Profilia », consiste donc à substituer, dans la ration donnée aux vaches, une partie de ces glucides par des lipides saturés – ces fameux oméga 3 que l’on retrouve dans l’herbe pâturée, la luzerne ou encore la graine de lin. Grâce à cet ajustement, on obtient une meilleure efficacité alimentaire et donc une baisse des rejets de méthane.

Lors de notre rencontre avec Julien Frémont, ce dernier nous a également expliqué que cette démarche avait des effets sur la santé de ses animaux, augmentant d’autant la qualité et la quantité de sa production laitière…
Plus une vache fabrique d’acides gras saturés, plus elle rejette du méthane et moins elle produit de bon lait. A Terrena, notre objectif est donc de passer en-dessous des 70% d’acides gras saturés. Et pour cela, nous jouons sur le programme alimentaire de l’animal. D’autant qu’une vache n’est pas un cochon ! Si ce dernier peut se nourrir d’ensilage, la nature première d’un bovin est plutôt de manger de l’herbage. C’est pour cela que nos éleveurs reviennent à un programme maïs-blé-soja-luzerne. Biologiquement, ce dernier comporte davantage d’oméga 3. Et, quand on amène des oméga 3 à une vache, on fait en sorte de lui fournir un composant sain, à la fois indispensable à sa bonne reproduction mais également à la qualité de son lait. Chez Terrena, le lait récolté est transformé puis destiné à des marques comme Paysans bretons. Or, on sait que pour qu’un beurre s’étale correctement sur une tartine de pain ou ne fasse pas casser la biscotte – ce que les professionnels appellent le facteur de « tartinabilité » -, ce dernier doit avoir été fabriqué à base d’un lait riche en oméga 3. Avec notre démarche « Profilia », on permet donc à nos éleveurs de garder un cap économique intéressant, tout en participant à la préservation de l’environnement. Puisque vous me parliez de Julien Frémont, celui-ci vous a peut-être dit, qu’en 2014, les rejets de méthane produits par ses 63 vaches se sont traduits par une diminution de deux tonnes et demi, soit l’équivalent de 70 tonnes de CO2 ou encore de 450 000 kilomètres parcourus en voiture. Et cela, grâce au rééquilibrage alimentaire !

Sauf qu’en procédant ainsi, on a l’impression que vous ne considérez l’animal uniquement comme une matière première ?
Pas du tout. Plus on joue sur le bien-être de l’animal et plus sa durée de vie sera longue. Il faut savoir que la longévité d’un troupeau est le premier facteur économique chez un éleveur de vaches laitières. Une vache est faite pour produire quinze litres de lait chaque jour de sa vie. Pas plus. Ne pas respecter cette règle et son bétail, c’est tuer son exploitation. Casser une vache au bout de deux ans, c’est dramatique. Et ça, les éleveurs de Terrena l’ont bien compris. Depuis cinq ans, ils sont 900 à avoir rejoint le programme « Profilia ».

Image : © ecatoncheires, Flickr

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