Le Parlement européen, en exigeant l’élimination progressive du glyphosate dans l’Union européenne d’ici 5 ans, a accentué mardi la pression sur la Commission et les Etats membres à la veille d’un vote à Bruxelles sur l’herbicide controversé. Réunis en plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont voté en faveur d’une résolution par 355 voix pour et 204 contre (et 111 abstentions), certes simple avis sans valeur contraignante, mais qui met à l’honneur le « principe de précaution ».
La résolution fait aussi écho à la signature par 1,3 million de citoyens d’une pétition adressée à la Commission européenne pour demander l’interdiction de la substance. « Nous envoyons un signal fort aux gouvernements nationaux », ont réagi les eurodéputés socialistes Eric Andrieu (France) et Marc Tarabella (Belgique). Pour leur collègue libérale Frédérique Ries, « la balle est clairement dans le camp » des Etats membres.
Un vote est en effet attendu mercredi au sein du comité d’experts chargé du dossier, composés de représentants des Etats membres : la Commission leur propose de renouveler la licence du glyphosate pour les 10 prochaines années. « Irresponsable », selon l’eurodéputée des Verts Michèle Rivasi. Plusieurs pays membres, la France, l’Italie, l’Autriche, ont annoncé qu’ils s’y opposeraient. Paris a déjà exprimé sa préférence pour une durée réduite. Il faut une majorité qualifiée — 55% des Etats membres et 65% de la population — pour accepter ou rejeter la proposition de la Commission.
La saga du renouvellement de la licence du glyphosate, qui arrive à expiration en décembre, dure depuis plus de deux ans dans l’UE, en l’absence de décision claire. « Etant donné les appels à l’interdiction du glyphosate, il est encourageant de voir que le Parlement a voté une fois de plus pour sa réautorisation », a immédiatement réagi Graeme Taylor, de l’Association européenne des producteurs de pesticides (ECPA). Avant de se livrer à une charge sévère contre les opposants au glyphosate : « C’est vraiment dommage de voir que les eurodéputés se laissent influencer par les ONG qui prétendent représenter l’opinion publique, mais représentent en fait l’hostilité contre l’industrie, et de façon plus inquiétante, contre la science », a ajouté M. Taylor.
Controverse scientifique
Les eurodéputé se sont aussi prononcés pour interdire toute utilisation non professionnelle de la substance à la fin de l’année. Ils exhortent à apporter l’aide nécessaire aux cultivateurs afin d’assurer la transition vers une agriculture sans glyphosate, herbicide le plus utilisé en Europe. Ils demandent également de bannir son utilisation juste avant les récoltes. La résolution se base sur la controverse scientifique qui entoure le glyphosate. Elle fait notamment référence à l’étude du Centre international de recherche sur le cancer, un organe de l’OMS, qui l’a classé « cancérogène probable » en 2015, contrairement aux agences européennes, l’Efsa (sécurité des aliments) et l’Echa (produits chimiques). Le feu vert de ces deux agences a conduit la Commission européenne a proposé le renouvellement de l’autorisation.
L’exécutif européen a rappelé plusieurs fois de son côté que d’autres autorités de régulation sont allées dans le même sens que les agences scientifiques de l’UE, au Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon et aussi au sein d’un comité commun de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation) et de l’OMS. Les parlementaires évoquent quant à eux les développement judiciaires aux Etats-Unis, où des centaines de personnes atteintes de cancer ou leurs proches ont porté plainte contre le géant de l’agrochimie Monsanto, un des principaux producteurs de glyphosate et propriétaire du pesticide RoundUp.
Les courriels et des documents internes du géant américain de l’agrochimie divulgués dans le cadre de ces procédures jettent « le doute » sur la « crédibilité » d’études scientifiques publiées ou sponsorisées par Monsanto, estiment les eurodéputés. « Il est évidemment nécessaire de sortir de la dépendance au glyphosate, mais pas à n’importe quelles conditions. (…) Nous risquons de plonger les utilisateurs de cette substance dans une impasse technique car aucune alternative viable n’existe », a mis en garde l’eurodéputée du PPE (droite) Angélique Delahaye.
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