De la rose au safran, du jasmin à la fleur d’oranger, de la cuisine au hammam, l’exposition Parfums d’Orient à l’Institut du Monde Arabe invite à découvrir le patrimoine de senteurs raffinées du Haut-Atlas jusqu’aux rives de l’Océan Indien.
Le monde arabe célèbre les parfums depuis toujours. L’Arabie, d’où affluaient les matières premières odorantes chères aux sociétés antiques, est à l’origine de leur histoire. Elle a diffusé sa culture et son amour des parfums à l’ensemble du monde arabe devenu le berceau d’une civilisation des senteurs.
L’exposition raconte le mariage fusionnel qui unit les parfums et le monde arabe. Elle met en lumière leur longue histoire commune, les odeurs qui caractérisent cette relation, les nombreuses coutumes qui les lient et dont le rôle social est essentiel.
Déambulation olfactive
L’exposition, qui se déploie sur plus de 1 000m2, est imaginée comme une « déambulation personnelle » dans des lieux divers. La nature ouvre le bal, avec la découverte des terres de parfums et de ses matières premières ; la ville ensuite se dévoile, avec ses ruelles odorantes ; puis au terme du voyage, nous pénétrons dans une maison et ses parfums plus intimes.
Près de 200 oeuvres formidablement bien choisies sont rassemblées pour révéler au visiteur des pratiques et histoires du parfums par des échos constants entre oeuvres patrimoniales (manuscrits, miniatures, textiles, peintures) et contemporaines (photographies, installations, vidéos). À souligner notamment les magnifiques photographies d’échoppes de marchands et d’apothicaires de Vladimir Antaki, The Guardians, invitant à déambuler au coeur des souks de Mascate et de Salalah à Oman.
Mais que serait une exposition sur le parfum, sans parfums? Toutes les essences et fragrances qui composent la grammaire olfactive de cet Orient délicieux sont là, à portée de nez. On nous propose de les reconnaître au fil de l’exposition. Ambre gris, myrrhe, musc, jasmin, bois de oud, ciste labdanum, benjoin. On les sent. On ferme les yeux. On est ailleurs. À ce titre, il faut souligner l’intelligence comme la beauté cuivrée du dispositif olfactif créé avec le parfumeur Christopher Sheldrake qui décompose la fabrication de trois parfums : Lune d’ambre, Shamama et Kyphi, interprétation mythique de l’Égypte ancienne.
La cuisine orientale est réputée aussi bien dans sa dimension gastronomique, au sens propre, qu’olfactive. Et, s’il y a bien une pièce dont les parfums se dégagent, c’est bien la cuisine qui participe pleinement à embaumer la maison. Elle est débordante d’odeurs d’épices, d’herbes aromatiques, d’eaux florales. L’odeur du café turc, additionné ou non de cardamome, y est aussi typique et alléchante que celle du thé à la menthe. On est invité à sentir. Autant d’effluves alléchantes qui emportent des souvenirs.
On imagine des plats qui sortent de la cuisine mêlant cardamome, cumin, curcuma, coriandre ou safran, ou encore les pâtisseries au goût de cannelle, de rose, de fleur d’oranger et de géranium rosat.
Une vidéo de Mirna Bamieh, Nafas Imni : In the Kitchen with Mama, la présente en pleine préparation des waraq inab (feuilles de vignes) qui donnent l’eau à la bouche tout autant qu’elles témoignent de la richesse culturelle d’une identité qui dépasse les frontières, celles du Liban et de la Palestine.
La cuisine en héritage
De parfums en cuisine, il en sera aussi question le 28 octobre prochain, avec le rendez-vous La Cuisine en héritage, et la projection du film de Mounia Meddour autour de la transmission du savoir-faire culinaire au Maroc. Une transmission mise en lumière à travers le quotidien de mères de famille, safranières, cuisinières traditionnelles, dépositaires d’un trésor inestimable et savoureux transmis essentiellement de façon orale.
Le film sera précédé de la projection de trois courts métrages tournés dans le cadre de la web-série Grandmas Project de Jonas Pariente qui invite des réalisateurs du monde entier à créer un film sur leur grand-mère autour de la transmission d’une recette de cuisine. Trois court seront mis en avant pour l’occasion : Mehchi, une recette de Dona Rosa de Mathias Mangin (2016), Molokheya, une recette de Nano de Jonas Pariente (2015) et Couscous Boulettes, une recette de Mamie Colette de Laure Protat (2018).
L’exposition s’achève avec une pièce magnifique de Huda Lutfi, The Perfumed Garden, en référence à un manuel érotique du XVème siècle et présentant des flacons de parfum en verres dans lesquels apparaissent des images peintes et découpages de magazine, métaphore des restrictions que subissent certaines femmes.
Malgré une scénographie parfois un peu triste, un peu pâle, là où l’on aurait préféré la voir flamboyante, cette exposition regroupe des oeuvres magnifiques permettant d’appréhender le rôle du parfum dans les pratiques culturelles, sociales et intimes du monde arabe, du hammam à la convivialité de la table. Au-delà du parfum, l’exposition dépeint avec justesse une culture ancienne toujours bien ancrée dans le présent, un Orient fascinant et compréhensible par un sens qui nous est commun.
Parfums d’Orient
Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés Saint-Bernard – 5e
Du 26 septembre 2023 au 17 mars 2024
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