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Comment faire une bonne affiche ? Recettes pour chocolatier
Pâques approchant, les chocolatiers rivalisent d’inventivité pour retenir l’attention des consommateurs. À l’occasion de l’exposition « L’art est dans la rue », coorganisée avec le musée d’Orsay, la Bibliothèque nationale de France vous invite à découvrir une publicité pour le chocolat Klaus, réalisée par l’affichiste Leonetto Cappiello en 1903. Aussi éclatante que surprenante, elle assura le succès de la marque.

Grâce à l’invention de la lithographie, l’affiche illustrée connaît un essor spectaculaire au XIXe siècle, faisant de Paris une véritable galerie d’art à ciel ouvert. Les kiosques, les colonnes Morris et les murs se couvrent de réclames qui transforment les habitudes de consommation, notamment celle des produits de l’industrie alimentaire. Dans les années 1890, l’affiche publicitaire vit son âge d’or, avec Henri de Toulouse-Lautrec, Eugène Grasset, Jules Chéret ou Alphonse Mucha. Après la disparition de ces chefs de file, d’autres artistes prennent le relais, à l’instar du caricaturiste Leonetto Cappiello (1875-1942). Né en Italie, il s’installe à Paris en 1898, débute comme affichiste en 1900 et impose rapidement un style nouveau.
L’imprimeur et éditeur Pierre Vercasson, qui passe commande auprès de peintres pour le compte de clients en quête de publicité, remarque ses dessins percutants dans L’Assiette au beurre et Le Cri de Paris. Ensemble, ils souhaitent proposer de nouvelles formes. Vercasson entend « trouver une formule d’affiche qui, à l’exemple d’une gerbe de fusées, éclat[e] de toute la vigueur fulgurante de sa coloration hardie parmi toutes [les] teintes lavées et falotes » apposées aux murs et palissades. « Je veux faire des affiches simples dont on se souvient facilement, un tournant vers l’épure dans une recherche d’efficacité, de simplification », écrit quant à lui Cappiello.
L’affiche pour le chocolat Klaus, en 1903, est la première à incarner ce renouveau. Pas question de se perdre dans les détails, de reproduire minutieusement et de façon littérale produits et emballages, comme le faisait par exemple un Firmin Bouisset pour les tablettes Menier. Ici, nulle trace de chocolat, mais un sujet extravagant et simple : une femme, tout de vert vêtue, monte en amazone un cheval rouge vif, se détachant sur fond noir. La priorité est de capter l’attention du public. Dans La Publicité moderne (décembre 1906), Vercasson rend compte de la réception de cette campagne. Il a fait poser vingt-cinq affiches pendant la nuit. Dès le lendemain, alors qu’il déjeune avec le chef de la maison Klaus, l’un des amis londoniens du chocolatier fait irruption au milieu du repas, indigné : « Pourriez-vous me dire ce que représente votre affiche verte sur ce cheval rouge, c’est ni plus ni moins fou ! » Son interlocuteur le regarde froidement, lui demande depuis combien d’heures il est à Paris. – Depuis dix heures ! – Il est exactement midi et quart et vous connaissez déjà mon affiche. N’est-ce pas tout ce que je demandais ? L’opération est un succès et l’image accompagnera longtemps la marque. A son sujet, Cappiello écrit : « Elle fut une obsession, mais j’estime qu’elle avait rempli son but, puisque les résultats obtenus par la maison furent concluants et que beaucoup de gens demandaient le chocolat du cheval rouge ».
Le but est si bien atteint que plusieurs des motifs imaginés par Cappiello deviennent ce qu’on qualifierait maintenant de logo. L’artiste signe aussi des affiches pour le chocolat Poulain. Il met là encore en scène un équidé, qui restera l’emblème de la marque. Tenant une plaque de chocolat entre ses dents, un poulain de couleur orange gambade devant une petite fille. Cette nouvelle forme d’art ne va pas sans soulever des questions juridiques. Dans les années 1920, plusieurs procès opposent Cappiello à la firme Poulain, qui a repris partiellement le dessin sans le créditer et en le confiant à un autre artiste. Les chocolats Rozan, Suchard ou encore Toblerone font également appel à ses talents.

Artiste prolifique et reconnu, Cappiello expose ses peintures aux Salons, réalise des décors pour des théâtres, restaurants, grands magasins et intérieurs de villas, fait connaître son œuvre dans plusieurs Expositions internationales, illustre des livres – il signe ainsi la couverture de l’édition originale du Poète assassiné, d’Apollinaire. En parallèle, Cappiello produit de nombreuses affiches entre 1899 et 1939. Il conserve les différents états des dessins, n’hésite pas à réemployer certains d’entre eux pour de nouveaux projets. En contrat chez Vercasson jusqu’en 1914, puis chez Devambez après la Première Guerre mondiale, il met en scène spectacles, lieux de villégiature, voitures, gramophones, lampes, parapluies, corsets, sous-vêtements, chaussures, articles d’hygiène et de beauté, cigarettes, vins fins, liqueurs, bières, sodas, eaux minérales, citronnades, huiles, beurres, pâtes, harengs, huîtres, biscuits, confiserie, etc. Les amateurs ne tardent pas à collectionner ses publicités, à une époque où naît une véritable passion pour cet art du quotidien. Une affichomanie toujours à l’œuvre aujourd’hui, où les illustrations hautes en couleur de Cappiello continuent de séduire et d’inspirer un large public.





Pour aller plus loin :
- Sylvie Aubenas, Christophe Leribault, Elise Dubreuil, Clémence Raynaud, Anne-Marie Sauvage et Sandrine Maillet (dir.), L’Art est dans la rue. Exposition, Paris, Musée d’Orsay, avec le partenariat scientifique et les collections de la Bibliothèque nationale de France, du 18 mars au 6 juillet 2025. Paris : Éditions du Musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie / Bibliothèque nationale de France, 2025.
- Informations pratiques sur l’exposition « L’art est dans la rue ». En ligne ICI
*Isabelle Degrange, Chargée de collections en Gastronomie à la Bibliothèque nationale de France
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