Chronique Cerise sur le gâteau #38

Alimentation et changements climatiques, s’adapter ou disparaître ?

29.09.19

Et bien, cette semaine nantaise a été fort riche, car non seulement on a pu voir cette passionnante exposition et faire quelques très bons repas chez les chefs nantais, mais on a aussi passé une journée entière avec les meilleurs spécialistes européens sur un sujet dont l’actualité est, si je puis me permettre, brulante : Alimentation et changements climatiques. Le titre de cette journée de débats était d’ailleurs assorti de cette affirmation on ne peut plus claire : s’adapter ou disparaître.

D’abord quelques constats à la base de ces réflexions dont l’avantage est qu’ils ne sont guère niables par je ne sais quel climatosceptique. La France a connu un réchauffement supérieur à 1°C depuis 1900, chacun a pu constater les différents épisodes de canicule depuis celui de 2003 et 64 départements ont été placés en restriction d’eau cet été. Pour le vin, largement évoqué à Nantes avec une étude de l’Inra (l’Institut National de Recherche Agronomique) et la présence de Olivier Martin, vigneron du cru et élu de la Fédération des vins de Nantes, on sait que l’évolution climatique a des effets directs sur la qualité du vin, notamment en ce qui concerne sa teneur en sucre, et donc en alcool, et que les zones viticoles sont amenées à se déplacer. 

Bref, sur le constat et sur l’accélération du processus, peu d’espoir de retour en arrière et à partir de là deux attitudes sont possibles : laisser tomber l’affaire en mode collapsologie, ou trouver les méthodes d’adaptation à court, moyen et long terme.

À Nantes jeudi, les acteurs les plus importants parmi ceux qui pensent et agissent pour cette adaptation étaient là et notamment l’Inra et l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) qui ont dévoilé des études en cours, à partir de données recueillies sur le terrain et qui vont notamment donner lieu à la rédaction d’un guide intitulé « Comment développer sa stratégie d’adaptation au changement climatique à l’échelle d’une filière agroalimentaire ? »

En terme de méthode, j’ai beaucoup apprécié celle appliquée pour l’étude intitulée life Agriadapt où l’on élabore des outils pour évaluer la vulnérabilité des exploitations agricoles au changement climatique et leur expérimentation en cours dans 130 fermes de quatre pays européens : la France, l’Espagne, l’Allemagne et l’Estonie. La méthode est redoutable d’efficacité puisqu’il s’agit au fond d’expliquer à un fermier du sud de la France que les conditions d’exploitation futures de sa ferme ne sont pas inconnues puisque ce sont celles qui font aujourd’hui le quotidien de son confrère du sud de l’Espagne. Mais était également présente à Nantes Marianne Landzettel, l’auteure allemande du livre sorti l’hiver dernier « La fin de l’alimentation ou comment le changement climatique va bouleverser ce que nous mangeons. » qui nous a fait sérieusement se demander s’il n’était pas déjà trop tard. Alors, je sens que vous allez me demander ce que j’ai conclu de tous ces débats… et bien pour être franc, j’avoue que je n’en suis pas sorti très rassuré. Les acteurs sont là, les méthodes sont pertinentes, mais saurons-nous collectivement aller assez vite pour faire face aux migrations climatiques et nourrir la planète ? Personne ne semble aujourd’hui détenir toutes les clefs et les pouvoirs nécessaires pour coordonner une action nécessairement mondiale.

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Les Bonnes Choses du 29/09/2019 – Au musée du dégoût

Direction « les Tables de Nantes », la manifestation qui pense les assiettes d’aujourd’hui et de demain, avec des conférences, des ateliers, des débats et une exposition, véritable temps fort de cette édition: « Disgusting Food Museum : la dimension culturelle de l’alimentation ». Visite guidée.

C’est une exposition qui ne peut laisser personne indifférent, ne serait-ce que (et c’est bien la première fois) parce que le ticket d’entrée est un sac à vomi… Mais comme nous sommes ouverts d’esprit aux « Bonnes Choses » et que nous ne manquons pas d’humour, nous avons dominé nos émotions et joué le jeu, qui est néanmoins très sérieux puisque les commissaires ont disposé sur des tables quatre-vingt des aliments les plus dégoûtants du monde afin de montrer la dimension culturelle de l’alimentation. Nous ne sommes pas en reste, nous Français qui avons déjà dans nos assiettes escargots, andouillettes, grenouilles, étrilles, huîtres, époisse, maroille et autres mets jugés particulièrement immangeables par d’autres; mais quand vous vous retrouvez face à un hareng de la mer baltique fermenté dans de la saumure pendant six mois, un plat que les Suédois dégustent avec du pain plat, des pommes de terre et des oignons mais exclusivement en extérieur tant l’odeur est insoutenable, devant une tarantule grillée croustillante à l’extérieure mais gluante au milieu dont les Cambodgiens raffolent ou que vous devez goûter un alcool de glande anal de castor, vous faites moins les fiers… Petit tour du monde des plats extrêmes !

Avec Gervaise Debucquet, ingénieure agronome et chercheuse en psycho-sociologie de l’alimentation

Chroniques

La madeleine de … 
Simon Abkarian : « C’est à table que se disent et se font les choses, et se défont les choses »
Et La Cerise sur le gâteau de Pierre Hivernat : Alimentation et changements climatiques, s’adapter ou disparaître

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