Analyse Pêche durable

Pourquoi la pêche de thon rouge est-elle toujours si encadrée ?

L’arraisonnement, le 23 août d’un navire portugais transportant 45,5 tonnes de thon rouge amène une fois de plus à s’interroger sur les raisons de l’encadrement de cette pêche. Selon la Direction Départementale des Territoires de la Mer du Morbihan, ces infractions peuvent faire l’objet d’une condamnation pénale assortie d’une forte amende. Cette façon d’exercer est totalement contraire aux règles de pêche durable et responsable voulues et mises en pratique par les pêcheurs professionnels bretons, indique le Comité des pêches du Morbihan, par la voix de Jean Piel, chargé de mission et de la communication.

« Avant, quand j’étais en mer, j’avais l’impression que mon bateau était entouré de thons » regrette Minoru Nakamura, pêcheur de thon depuis 35 ans dans l’archipel d’Iki, situé à l’ouest du Japon. Selon Sue Liebermann, responsable de l’ONG américaine Pew Environment Group (PEW), une association écologiste, les Japonais doivent prendre leurs responsabilités en terme de contrôle s’ils ne souhaitent pas « être tenus pour responsables de l’effondrement de l’espèce« . Les thons destinés au marché japonais font en effet l’objet d’un curieux circuit :  ils sont tout d’abord pêché en Méditerranée, puis vendus vivants à des fermes d’élevage en pleine mer, celles-ci les engraissent avant de les envoyer au Japon. En 2008, 70 % du thon de Méditerranée était consommé au Japon, selon Le Monde (20/06/2008).

Selon Radio France Internationale, l’espèce a chuté de 85% en 30 ans

Bien que le thon rouge mange presque tout ce qui passe devant ses mâchoires, peut peser jusqu’à 650 kilos, mesurer plus de 4 mètres de long et pondre des centaines de millions d’oeufs, cette espèce a failli périr de la surpêche. Celle-ci se poursuit, risquant à terme d’entraîner sa disparition totale. Depuis une dizaine d’années la pêche de thons rouges doit faire face à une mauvaise gestion notamment due à une absence de contrôle. De plus, un marché noir très important s’est développé, notamment celui de l’Atlantique occidental qui selon l’International Consortium for Investigative Journalists pesait plus de quatre milliards de dollars entre 1998 et 2007.

Pascal Savouret, l’administrateur en chef des affaires maritimes, a créé en 2005 l’Agence européenne de contrôle des pêches qui a pour mission de veiller à l’application de la politique commune de la pêche de l’Union Européenne. Cette Agence a  détecté 40% des remorqueurs en infraction tractant des cages à thons vers les fermes. Un rapport de l’association PEW, démontre une différence de 141% entre les quantités de thon rouge commercialisées et les quotas de pêche fixés par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA). Plus de 12 tonnes de thon rouge ont été capturés en 2010 mais d’après les chiffres commerciaux et douaniers, ce sont pas moins de 32,5 tonnes qui ont été vendues.

Rendement maximal durable en 2022

Suite à cette surpêche et à ses conséquences catastrophiques, la majorité des pêcheurs s’est mobilisée en faveur d’une pêche durable. La commission de la CICTA a adopté un plan de reconstitution du «stock Est» sur 15 ans. Ce plan, mis en place en 2007, contenait plus d’une cinquanta ine de mesures de conservation, de suivi et de contrôle des activités de pêche, avec une période d’interdiction de pêcher pendant 6 mois ainsi que la défense d’utiliser des avions pour l’aide à la pêche.Le Japon a réclamé à Paris, en 2010 lors d’une réunion des pays pêcheurs, des contrôles plus sévères afin d’arrêter la pêche illégale et le marché noir. Pour les scientifiques de la CICTA, le stock de thon rouge a 60% de chance d’atteindre son «rendement maximal durable» d’ici 2022. Quant aux pêcheurs français, ils traitent le thon comme un produit d’exception. Ils espèrent d’ailleurs obtenir bientôt le label de « première pêcherie de Méditerranée éco-certifiée », qui mettrait en valeur la pêche à l’hameçon. Car, souligne M. Wendling, directeur général de Sa.Tho.An, coopérative du port de Sète, « on veut pêcher moins, mais vendre mieux« .

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